Mercredi 18 décembre, le Brésil de Dilma Rousseff a mis fin au suspense autour du contrat d’achat de 36 avions de chasse destinés à moderniser sa flotte aérienne. Exit le F/A-18 Super Hornet de l’américain Boeing et le Rafale F3 du français Dassault qui avait la préférence de Lula. Avec son Gripen NG, le suédois Saab a remporté l’appel d’offres [4,5 milliards U$] lancé en 2001 sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso. Au vu des réactions sur les sites en ligne de Globo, Folha, Último Segundo ou encore Carta Capital, le sujet a passionné les Brésiliens. Aperçu.

Les paranos
Félicitations, présidente! Si les États-Unis veulent envahir l’Amazonie ou voler nos champs pétrolifères, ils vont avoir à faire à nous ! – Ceux qui trouvent cet achat inutile sont ceux-là même qui viendront se plaindre du nombre insuffisant d’avions de chasse quand la Bolivie et le Vénézuéla décideront de prendre l’Amazonie ! – Vu qu’en cas de conflit armé avec les États-Unis nous n’aurions pas la moindre chance, nous devrions leur confier notre défense contre le versement de 1 milliard R$ chaque année. En fait, la menace vient plutôt de l’intérieur, et nous avons juste besoin de plus de policiers et de prisons.
Les militaristes
C’est avec une armée bien équipée, entraînée et très réactive que se construit une société cohérente, pacifique, souveraine avec des institutions fortes et pérennes. – Il eut mieux valu acheter des hélicoptères de guerre de type Apache qui, eux, sont terriblement efficaces le long de nos frontières.
L’humaniste
Achetez plutôt à manger pour les Nordestins et creusez des puits artésiens pour les gens qui n’ont pas accès à l’eau.
Les experts
Ça a coincé au niveau du transfert de technologie, les Américains n’étaient pas d’accord avec le montage du F-18 ici au Brésil et l’affaire d’espionnage a aussi plombé le dossier.(1) – Acheter des avions supersoniques, c’est bien, mais selon un récent reportage, en cas de guerre, le Brésil se retrouverait à court de munitions au bout de deux heures de combat ! – Cet avion est en grande partie américain, le radar est italien, les systèmes de contrôle britanniques. Un vrai patchwork ! Comment vont-ils faire pour transférer ces technologies ? L’armée de l’Air brésilienne va très vite déchanter. – Oh, qui a dit que le gouvernement allait arrêter d’investir dans la santé et l’éducation ? C’est idiot. C’est comme si on disait à quelqu’un de ne plus acheter d’extincteur et de mettre l’argent dans des livres ou une mutuelle de santé ! A propos, notre organisme a un système immunitaire, dont la fonction est de nous défendre des corps étrangers (et non pas d’attaquer). La défense d’un pays fonctionne aussi de cette manière ! – En matière de défense, il faut être indépendant. Un pays comme le Brésil devrait déjà avoir sa propre technologie. Cela passe par l’investissement dans l’éducation et la science. La Suède, elle, investit dans ces deux domaines. – Le Brésil n’a pas acheté des avions de chasse mais la technique pour les fabriquer, c’est clair ça ?
Le diplomate avisé
Aux Brésiliens qui croient encore au Père Noël : apprenez une fois pour toutes qu’on ne demande rien qu’on ne puisse prendre ou imposer. C’est ainsi que la Bolivie s’est emparée de nos raffineries(2)… Quand on veut quelque chose, on a recours à la diplomatie, certes, mais on est nettement plus convaincant avec une centaine de chars, 5 porte-avions, 200 avions de chasse dernier cri et 10 000 combattants armés jusqu’aux dents… Alors là, la diplomatie fonctionne, et c’est ainsi que les Américains, Russes et Chinois mènent les négociations !
Le dépité
Avec sa politique des bas salaires le gouvernement perd ses meilleurs cadres. Quand on sait qu’un pilote de chasse gagne moins que le liftier au Parlement !
Les effrontés
Les avions de chasse seront livrés en 2018, les munitions en 2020 et le combustible Dieu seul sait quand. Si l’Argentine veut attaquer le Brésil, nous allons leur demander d’attendre un peu. – Notre industrie spatiale est inexistante, pour lancer des satellites nous faisons appel à des pays comme la Chine qui a détruit récemment un satellite brésilien de 160 millions de dollars, sans compter les 34 millions de frais de lancement (3). Nos ingénieurs ne sont pas fiables, nous importons des médecins, mais… nous pouvons exporter des hommes politiques extrêmement compétents dans l’art de la corruption ! – Ces appareils vont améliorer notre système de santé, garantir la sécurité dans nos rues et éliminer l’analphabétisme. Et surtout ils sont dotés d’un système unique capable d’éliminer la corruption et sevrer les gens accros aux allocations familiales. – On dit que « 500 m suffisent au Gripen pour se poser sur n’importe quelle route si nécessaire ! ». C’est mal connaître l’état des routes brésiliennes… – C’est bien la première fois que je vois le gouvernement ne pas payer le prix fort [le Gripen était le moins cher], je pense qu’ils n’ont pas trouvé la combine pour surfacturer. – Edward Snowden a réussi à terrasser un escadron américain de 36 supersoniques F-18 Super Hornet…

[1] Le 1er septembre dernier, au cours de son émission dominicale O Fantástico, la Globo révélait sur la base de documents fournis par Snowden [ex-consultant des services secrets américains] que la NSA avait mis sous écoute la présidente brésilienne, mais aussi des ministres ainsi que la compagnie pétrolière publique Petrobras.
[2] Lundi 1er mai 2006, Evo Morales annonçait la nationalisation des hydrocarbures en Bolivie, dont deux raffineries de la Petrobras.
[3] Le 9 décembre dernier, le lancement du satellite de télédétection CBERS-3 développé conjointement par le Brésil et la Chine échouait suite à une faille dans le fonctionnement du véhicule lanceur.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20131219trib000801934/pourquoi-le-rafale-s-est-grippe-au-bresil.html

Photo : vue d’artiste du futur Gripen NG brésilien http://plamber.deviantart.com/