Le 17 avril 1996 à Eldorado dos Carajás dans le sud-est du Pará, 19 paysans sans terre ont été exécutés à bout portant et d’autres, pourchassés jusqu’à leur refuge dans leur campement sur le bord de la nationale BR-155, ont été mutilés. Cet événement eut un retentissement international. Depuis ce jour, le 17 avril est devenu la Journée internationale des luttes paysannes.

Vingt ans plus tard, Eldorado dos Carajás reste une terre de combat et attire une nouvelle fois l’attention de la communauté internationale. Comme chaque année, les 690 familles meurtries, désormais installées dans l’assentamento 17 de Abril*, ont participé à une célébration œcuménique sur les lieux du massacre où 19 troncs de châtaigniers calcinés ont été plantés en hommage aux victimes. Également présents, des dizaines de représentants des mouvements de défense de la réforme agraire venus d’Afrique, Asie, Amérique latine et Europe. La manifestation fut aussi l’occasion d’appeler à la fin de l’impunité en milieu rural. À ce jour, sur les 154 policiers militaires accusés par le ministère public, seuls le colonel Mário Collares Pantoja et le major José Maria Pereira, qui étaient au commandement au moment des faits, ont été reconnus coupables et purgent leur peine derrière les barreaux.

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L‘absence de condamnation des autres policiers est considérée comme étant l’une des principales raisons pour lesquelles Eldorado dos Carajás demeure parmi les régions rurales les plus conflictuelles du Brésil. Selon une enquête de la Commission pastorale de la terre (CPT), sur les 846 meurtres enregistrés dans la région entre 1980 et 2014, seulement 293 ont fait l’objet d’une enquête policière. En tout et pour tout, 62 personnes ont été traduites en justice. « Le massacre n’a fait que renforcer les luttes paysannes dans la région. Et la violence a continué. Depuis cet événement, la CPT a enregistré 271 meurtres de travailleurs ruraux dans le Pará, essentiellement dans cette région sud et sud-est », déclare João Batista Afonso, coordonnateur juridique de la CPT à Marabá.

Selon la CPT, 130 fazendas sont actuellement occupées par le Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre (MST) dans le sud du Pará. Si certaines de ces occupations remontent à début 2016, d’autres perdurent depuis une vingtaine d’années, sans résultat. Près de 14 mille familles seraient en attente d’un lot pour se consacrer à l’agriculture et à l’élevage dans la région.

Pour le procureur fédéral Felício Pontes, qui intervient depuis plus d’une décennie en matière de règlement des conflits dans le Pará, la tension dans la région est le résultat du modèle de développement basé sur l’extraction minière. « Avec la crise économique, aggravée par la baisse du prix des matières premières minérales, la production a beaucoup diminué, il y a eu un ralentissement de l’activité », souligne-t-il. Beaucoup de travailleurs se sont retrouvés au chômage ou dans une situation précaire. Alors, les gens tentent de s’en sortir en s’installant sur des terres publiques le plus souvent déjà occupées de manière illégale. Et de concéder : « Tant que ce modèle sera en place, la violence continuera.»

* Les assentamentos sont des zones créées par le gouvernement brésilien pour y installer des familles sans terre.

http://amazonia.org.br/2016/04/conflito-agrario-20-anos-apos-massacre-tensao-persiste-em-eldorado-dos-carajas/

Photo MST em Marcha – Sebastião Salgado - Sebastiao Salgado http://www.mst.org.br/nossa-historia/97-99/