En quelques minutes, par 410 voix contre 63, la Chambre des députés du Brésil aura fait voler en éclat le Code forestier instauré en 1965 (obligeant les propriétaires de forêts à en préserver une partie intacte, jusqu’à 80%), abattu les avancées enregistrées depuis 2004 et donné raison à l’industrie agricole. Ainsi, en mai dernier, à travers la réforme de la loi de gestion des forêts nationales, les députés ont proposé la légalisation des zones forestières déboisées illégalement jusqu’en juillet 2008 et par là même amnistiaient les agriculteurs impénitents. Les pessimistes entrevoient dans cette première lecture du texte une victoire décisive du rouleau compresseur agricole. Les optimistes – qui accusent le coup – croient en une réforme moins permissive et atténuée par le Sénat, qui finalisera ce texte d’ici plusieurs mois, avant une ratification finale par la présidente Dilma Rousseff, officiellement opposée à cette réforme retardée par trois fois. Respecter à la lettre le Code forestier signifierait replanter 600 000 km2 de terres – un peu plus que la superficie de la France – et mettre un frein à l’économie agricole expansionniste. Cette option paraît impossible car le Brésil entend bien maintenir son rang de puissant producteur et exportateur (soja, céréales, viandes). Ce positionnement a un prix. Pays des démesures, le Brésil est aussi le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Et selon un député du Partido verde (les Verts), « plus de 50 milliards d’euros sont prévus d’ici à 2020, issus du paiement des quotas de CO2 pour la reforestation ». Derrière le débat parlementaire, se joue l’avenir du pays mais aussi de l’Amazonie, “poumon du monde”. Sur le terrain, la situation est catastrophique, avec une accélération – depuis le vote des députés – de la déforestation des zones protégées. Des affrontements sanglants opposent propriétaires terriens et bûcherons aux petits exploitants et écologistes. Selon la Commission pastorale de la terre, plus de 1 150 écologistes ont été tués au Brésil au cours des vingt dernières années.