Le 11 décembre dernier, le quotidien guyanien Stabroek News alertait l’opinion sur un permis d’exploration géologique et géophysique accordé par le ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement Robert Persaud dans la région hautement sensible du New River Triangle. Signée le 7 novembre 2012, soit plus d’un an avant que l’annonce ne soit rendue publique, l’autorisation délivrée à la société guyanienne Muri Brasil Ventures Inc porte sur la prospection de terres rares, bauxite, or et diamant entre autres, dans ce territoire de 15 540 km2 situé à la triple frontière Guyana-Brésil-Suriname.
La Chine contrôle environ 80% des 17 minéraux rares de la planète (Wall Street Journal, 13/12/13) – groupe de métaux aux propriétés voisines entrant dans la fabrication de produits électroniques grand public, de pièces automobiles et de systèmes de défense. Selon Stabroek News, compte tenu de leur importance stratégique, le gouvernement guyanien ferait preuve de légèreté en autorisant n’importe quelle entreprise à prospecter cette zone et, a fortiori, en exploiter les ressources.
D’autre part, le New River Triangle – une des rares zones de forêt primaire dans le pays – fait l’objet d’un rare consensus national : d’une grande importance écologique, ce territoire doit être protégé et rester vierge de toute exploitation minière !
Du côté du Suriname, la mise à jour de cet accord « secret » n’a pas laissé indifférent. En effet, Paramaribo revendique ce territoire qui, sur la rive droite du Corentyne porte le nom de Tigri. En juin 2011, le président Bouterse avait déclaré à l’Assemblée nationale que son pays mettrait tout en œuvre, dans le respect du droit international, pour résoudre le litige et aboutir à «un règlement à l’amiable», tout en martelant : « Soyons clair sur ce point, les terres de Tigri nous appartiennent !». À l’époque, le président guyanien Bharrat Jagdeo avait rétorqué : « Cela ne m’inquiète pas du tout, car nous savons que le Suriname a toujours revendiqué ce territoire ; le fait que cette question revienne sur le tapis n’est pas nouveau en soi.»

Historique du différend territorial
1840 : l’explorateur anglais Robert Schomburgk remonte le cours supérieur du Corentyne et établit que la rivière Kutari constitue la source du fleuve frontière.
1871 : le naturaliste Charles Barrington Brown découvre la New River située plus à l’ouest et la juge non pas comme un affluent mais comme la source originelle du Corentyne.
1936 : une commission mixte convient d’accorder la pleine largeur du Corentyne au Suriname et l’intégralité de la zone contestée à la Guyana. La seconde guerre mondiale éclate, le traité ne sera jamais ratifié. Cette même année, Néerlandais, Britanniques et Brésiliens signent un accord qui détermine le point de tri-jonction à la source de la rivière Kutari.
1961 : avant d’octroyer l’indépendance à la Guyana, le gouvernement britannique reprend les négociations et reconnaît la souveraineté néerlandaise sur la rivière Corentyne, et le contrôle britannique sur le New River Triangle. Aucun accord ne sera officialisé.
1969 : des escarmouches se produisent dans ce secteur entre l’armée guyanienne et des réservistes surinamais.
1971 : au cours d’une réunion à Trinidad, les deux gouvernements décident de démilitariser la zone.

Photo : la traversée du fleuve Corentyne, frontière naturelle du Suriname et du Guyana – Atelier Aymara 2008

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