À peine nommé à la présidence de la Fondation nationale de l’Indien (Funai) [1], João Pedro Gonçalves da Costa est déjà contesté par nombre de dirigeants indigènes. Membre influent du parti des travailleurs (PT) au niveau régional, l’ex-sénateur amazonien serait trop en phase avec les grands projets gouvernementaux programmés en terres ancestrales, particulièrement ceux relevant du ministère des Mines et de l’Énergie, portefeuille détenu par son ami Eduardo Braga (PMDB-Amazonas). Extraits de l’article du magazine Amazônia Real (30/06).

Selon Ninawa Inu Huni Kui, président de la Fédération du peuple Huni Kui (Acre), João Pedro a été placé à la tête de la Funai par les parlementaires : « C’est un ex-sénateur porté sur les méga-projets et pas sur les démarcations indigènes. » Pour Valdenir Munduruku, leader du mouvement contre la construction du complexe hydroélectrique dans le bassin du Tapajós [2], la nomination de João Pedro est une manœuvre du gouvernement Rousseff. « Je crains que pour affaiblir notre mouvement, il fasse pression sur la coordination régionale afin de convaincre les Amérindiens d’accepter le projet Tapajós. Le gouvernement est coutumier de ce type de manœuvres.» Quant à Clovis Rufino Marubo, représentant du territoire indigène Vale do Javari situé à la frontière péruvienne, il souhaite que le nouveau président de la Funai « reste du côté des peuples autochtones comme dans les années 90, et ne fasse pas cause commune avec les politiques et le gouvernement. Il doit être fidèle aux Amérindiens et accéder à nos revendications en matière de démarcation des terres. » Et pour le Conseil indigéniste missionnaire (Cimi) [église catholique], João Pedro est « l’homme de confiance du gouvernement qui soutient les projets publics en terres indigènes. »

Après sa prise de fonction en juin dernier, le président de la Funai a participé à l’ouverture des Jeux mondiaux des peuples autochtones aux côtés de Dilma Rousseff ; il a rencontré le secrétaire général de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB ) et assisté également à la 1ère Conférence nationale sur la politique indigéniste. Mais le fait marquant de son agenda est la réunion organisée le 24 juin avec le député Édio Lopes (PMDB/Roraima) et d’autres politiciens au siège de la Funai à Brasília.

Édio Lopes est en effet le rapporteur du projet de loi relatif à l’exploitation des ressources minières en territoires autochtones. Actuellement en discussion, le texte bénéficie de l’appui des «ruralistes» [vaste groupe parlementaire hétérogène au service de l'agro-industrie]. Et Lopes bataille aussi auprès du ministère des Mines et de l’Énergie pour la reprise du chantier de la méga-ligne à haute tension de Tucuruí – chantier suspendu depuis 2014 à la demande du ministère public fédéral. La ligne doit traverser le territoire Waimiri-Atroari situé entre les États d’Amazonas et de Roraima, mais la communauté indigène n’a pas été consultée. Dans les années 70, les Waimiri-Atroari ont failli disparaître lors des grands chantiers lancés par la dictature militaire, notamment la construction de la route BR-174 (Manaus/Boa Vista) et du barrage de Balbina [3].

Mystification des peuples autochtones
Sur sa page Facebook, le service de presse de la Funai a publié une photo de la rencontre entre João Pedro et Édio Lopes. D’après la légende, il était question de « mettre en œuvre des projets en faveur des communautés autochtones dans le Roraima. » Information démentie par le président de la Funai. Selon João Paulo Barreto, anthropologue d’origine Tukano et membre-fondateur du mouvement indigène dans l’État d’Amazonas, la nomination de João Pedro est étroitement liée à la politique du gouvernement Rousseff. « Les mutations interviennent en fonction du programme d’accélération de la croissance (PAC), qui est basé sur l’extraction minière, l’agroalimentaire, l’énergie hydroélectrique, l’exploitation forestière…. Dans ce contexte, la Funai joue un rôle crucial, celui de défendre les intérêts des groupes économiques pour exploiter les richesses dont regorgent les terres autochtones ». Selon Barreto, du fait de son origine amazonienne João Pedro est bien placé pour convaincre les indigènes réfractaires aux grands projets. « La Funai est chargée de mettre en œuvre le PAC en amadouant les Amérindiens avec des promesses illusoires, des programmes sociaux, des postes, etc… » Et de conclure : « João Pedro va remplir sa mission de mystification des peuples autochtones. »

[1] Fondation nationale de l’Indien : organisme brésilien chargé des questions indigènes créé en 1967 par le gouvernement brésilien.
[2] Projet Tapajós : construction de cinq centrales d’une capacité totale de 10 682 MW.
[3] Lire « Construction des routes amazoniennes et massacres d’Amérindiens au temps des militaires »

http://www.une-saison-en-guyane.com/breves/journal-des-guyanes/construction-des-routes-amazoniennes-et-massacres-damerindiens-au-temps-des-militaires/

Titre original : « Com João Pedro, Funai fica politizada e alinhada com obras do PAC », Amazônia Real, 30/06/2015, Kátia Brasil.

http://amazoniareal.com.br/com-joao-pedro-funai-fica-politizada-e-alinhada-com-obras-do-pac/

 

Photo Funai.gov.fr