Quelques jours après la catastrophe de Mariana, Apolo Lisboa, le professeur qui veut « verdir l’économie » accordait une interview à l’Institut des Humanités de l’Université de São Leopoldo (RS). Condensé de son intervention sans concession.

Contrôles des barrages : manque de moyens et irresponsabilité
Sur les 735 barrages de stériles que compte le Minas Gerais, plus de 200 ont été identifiés comme problématiques par les techniciens du gouvernement.
La procédure d’autorisation de mise en service des barrages doit être revue parce que les inspecteurs ne sont matériellement pas en mesure de voyager et examiner les installations sur place. Parfois, il leur arrive de devoir se prononcer sur 20, voire 30 projets au cours d’une seule séance !
Et les agents environnementaux chargés de vérifier les installations, repartent souvent avec le rapport de la compagnie… ou comment pratiquer l’auto-contrôle.

Incurie des dirigeants
Les entreprises minières impliquées [Samarco appartient à la compagnie brésilienne Vale et à l'anglo-australien BHP/Billiton] comptent parmi les plus puissantes du secteur au niveau international. Et ils n’ont pas de géologues, d’ingénieurs – soi-disant « les meilleurs du monde » – pour faire face à cette catastrophe ? Et ils n’ont pas d’alarme, pas de plan d’évacuation de la population, pas de plan d’action pour contenir la coulée de boue ?

Connivence ou incompréhension des politiques
Le gouverneur du Minas Gerais a commis une énorme bourde en accordant une interview au siège de la société Samarco. Il aurait dû s’exprimer de la mairie ou de tout autre espace public. Dans le Minas Gerais, indépendamment de la couleur politique, la promiscuité entre le pouvoir et le secteur minier est une honte. Tous les secrétaires d’État à l’Environnement du Minas Gerais, à quelques rares exceptions près, sont nommés par la Fédération des industries. 67% des députés de l’Assemblée législative locale ont été financés par les compagnies minières. Il n’est plus tolérable que des députés financés par le secteur minier soient nommés rapporteurs ou présidents de la Commission de réforme du code minier.
Nous devrions responsabiliser pénalement les maires, gouverneurs et présidents en créant la « procédure de destitution pour crime environnemental.» Malheureusement, notre présidente et le gouverneur du Minas Gerais ne comprennent rien à l’environnement. Formés en sociologie marxiste, ils excluent Charles Darwin, les animaux, la vie et l’évolution des espèces de leur mode de pensée. La notion de développement durable est devenue une expression creuse, un outil de marketing au service des entreprises. Nous devons « verdir» l’économie, l’activité économique doit respecter les écosystèmes.

Gestion de l’eau à courte vue
Les besoins en eau étant très élevés, le Rio Doce est presque asséché. Le captage à travers des puits artésiens et des pompes est tel que les rivières se tarissent. C’est l’anarchie ; il n’y a pas besoin d’autorisation, les gens viennent et se servent à leur guise. Les villes minières ne sont toujours pas aménagées. Il n’y a pas ou pratiquement pas de stations de traitement des eaux usées dans la région. Belo Horizonte s’est intéressé au problème en 2001 seulement et ne traite aujourd’hui que 50% de ses eaux usées. Autrement dit, en matière d’assainissement c’est la préhistoire !
L’eau est pompée de la mine pour permettre de travailler à sec sur d’immenses cratères pouvant atteindre 300 mètres de profondeur. Il y a un minéroduc destiné à faire transiter le minerai en émulsion des mines au port. L’énorme quantité d’eau utilisée suffirait à couvrir largement les besoins d’une ville comme Belo Horizonte (2,5 millions d’habitants). D’autant qu’un autre mode d’extraction, un peu plus onéreux toutefois, est possible. L’exploitation à sec permet de fragmenter la roche et récupérer le minerai de fer par aimantation. Mais les sociétés minières ne veulent pas dépenser plus. Les actionnaires et les administrateurs veulent atteindre des records de rentabilité, c’est une course insensée au profit et au carriérisme.

Richesse des sous-sols et pauvreté sociale
Il y a une réalité qui fait froid dans le dos : dans les régions riches en or et minerai de fer, la population est pauvre et malade. Les sociétés minières ne paient pas l’impôt sur les produits destinés à l’export, et la redevance sur le minerai est très faible, contrairement à la redevance sur le pétrole. L’exploitation minière crée des emplois, mais provoque un grand chambardement avec l’arrivée de milliers d’hommes – comme à Serra Pelada – et en corollaire la prostitution, la drogue, la violence, la criminalité. Et quand la ressource est épuisée, les pauvres restent, l’accès à l’enseignement et aux soins se dégrade. En termes de développement humain, l’exploitation minière est une illusion.

Source : Instituto Humanitas Unisinos de l’Université de São Leopoldo (RS), Minas Gerais e o flagelo da mineração, 18/11/2015.

http://www.ihu.unisinos.br/entrevistas/549167-minas-gerais-e-o-flagelo-da-mineracao-entrevista-especial-com-apolo-lisboa

Foto: Rossana Magri