La construction du chemin de fer Ferrogrão, qui connectera le grenier du Brésil aux berges du Tapajós dans le Pará, est une priorité à Brasília. Les peuples autochtones s’opposent à ce futur corridor céréalier.

Aujourd’hui plus de 70 % de la production céréalière du Mato Grosso transite via les ports de Santos et Paranaguá situés à plus de 2 000 km. Le chemin de fer EF-170 reliera Sinop, « capitale de l’agroalimentaire « , au port fluvial de Miritituba dans le Pará sur une distance de 995 km. Son tracé sud-nord longe la BR-163. D’un coût estimé à 4 milliards USD, il permettra d’écouler soja et maïs aux quatre coins du monde. À terme, sa capacité annuelle atteindra 58 Mt de marchandises. Actuellement, les routes sont engorgées ; en période de récolte, les camions circulent pare-chocs contre pare-chocs sur la BR-163. Sur la route du sud reliant Santos et Paranaguá la situation est encore plus chaotique.

Concernant ce projet, le Brésil est pressé. Une série d’audiences publiques est déjà programmée. L’appel d’offres est prévu début 2018 et le marché sera attribué en juillet prochain. La banque publique de développement (BNDES) va prêter 80 % du coût total dans des conditions particulièrement généreuses : différé de 7 ou 8 ans, et remboursement sur 25 ou 30 ans. En outre, le futur concessionnaire disposera des droits exclusifs d’exploitation – une situation de monopole avec des profits colossaux en perspective. Le groupe américain Cargill est sur les rangs ainsi que des investisseurs chinois.
Dans ce contexte, le projet pourrait démarrer avant qu’une étude d’impact social et environnemental approfondie ne soit réalisée. Les populations affectées, notamment les Amérindiens Kayapó (Pará), exigent une consultation digne de ce nom.
« La construction du Ferrogrão passe par un renforcement des unités de conservation avec un meilleur suivi, plus de protection et vigilance », précise le cacique Anhe Kayapó dans une lettre au ministère des Transports. « Sinon, nous ne pourrons pas résister à la pression des voleurs de terres, des bûcherons et orpailleurs illégaux. C’est ce qui est arrivé à nos frères de Cachoeira Seca avec le barrage de Belo Monte. Aujourd’hui, c’est le territoire indigène le plus déboisé du Brésil. »

Un train vert à faible impact ?
D’aucuns pensent que les préoccupations des peuples autochtones ne doivent pas freiner le progrès, surtout quand il présente des avantages financiers évidents et un impact minimum sur l’environnement, qui plus est, en pleine crise économique. Mais d’après les défenseurs de la nature, transporter du soja dans des
 » trains verts  » plutôt que dans des camions crachant du CO2 contribuera bien peu, à long terme, à protéger la forêt. Peuples autochtones et populations traditionnelles restent les meilleurs alliés dans la lutte contre le changement climatique .

Des conséquences désastreuses
Ferrogrão va raccourcir la route du soja de 1000 km. Mais selon ses détracteurs, il renforcera l’agro-industrie ; il aggravera le déboisement illégal et la pêche clandestine dans les territoires indigènes et les unités de conservation ; il augmentera la pression sur les Amérindiens pour louer leurs terres (le président Temer envisage une mesure provisoire en ce sens) ; enfin, il rendra encore plus compliquée la démarcation des terres ancestrales adjacentes au chemin de fer…

Photo : Le train de l’entreprise Vale do Rio Doce traverse le pont ferroviaire sur le fleuve Tocantins. Marabá, Pará. Brésil 2003. Photo de Paulo Santos.

Sources : Mongabay, Instituto Socioambiental, GC Notícias