Un récent sondage (1) donne le président Bouterse favori aux élections de 2015. Sa cote est particulièrement élevée chez les 18-25 ans. Pourtant, voilà un an, l’ex-putschiste était en fâcheuse posture, au pays comme à l’étranger, suite à la modification de la loi d’amnistie de 1989. Adoptée au pas de charge le 5 avril 2012 par les parlementaires, elle met le président à l’abri de poursuites judiciaires pour son rôle dans l’assassinat de 15 opposants politiques le 8 décembre 1982.
Jugeant la loi anticonstitutionnelle et contraire au droit international, l’opposition emmenée par Santokhi fit campagne pour son abrogation. En vain. La forte mobilisation de la société civile n’y changea rien. En représailles, La Haye rappela son ambassadeur, gela ses relations avec son ancienne colonie et réduisit considérablement son aide – 3,5 millions d’euros en 2012 contre 35 en 2011. Considérant la position néerlandaise, le Pr Gert Oostindie, historien spécialiste des Caraïbes, n’a pas manqué de renvoyer au passé : « Si nous sommes aujourd’hui scandalisés par l’amnistie, il faudrait aussi lever le secret sur le rôle tenu par les Pays-Bas ² pendant le coup d’État qui a porté Bouterse au pouvoir en 1980. »
Débuté en 2007, soit 20 ans après le retour à la démocratie, le procès de Bouterse et des 24 autres inculpés des Meurtres de décembre touchait à sa fin. Mais, embarrassée suite au vote de l’amnistie, la cour martiale finit par l’ajourner. Il n’a toujours pas repris. Il faudrait pour cela que le Suriname mette en place sa Cour constitutionnelle afin de vérifier la conformité de la loi. Il en est de même pour la commission vérité et réconciliation, dont la « création immédiate » est pourtant inscrite dans la nouvelle loi d’amnistie…
Ainsi, 30 ans après les faits les familles des victimes sont toujours en attente de justice alors que « certains suspects occupent des postes prestigieux au sein de l’administration surinamaise », fait remarquer le ministre des Affaires étrangères néerlandais. C’est le cas d’Harvey Naarendorp, ambassadeur en France depuis 2011, ou encore Errol Alibux, ambassadeur non-résident en Turquie depuis mars dernier.

1-Un doute subsiste sur ce sondage qui ne semble pas avoir réuni les critères scientifiques requis pour qu’un tel exercice soit représentatif de l’opinion, nous explique la rédaction du mensuel d’investigation Parbode.
2-Les documents sont classés secret-défense jusqu’en 2060.
Photo Philippe Boré (Fort Zeelandia, lieu des exécutions de décembre 1982. Suriname), et Parbode (Desi Bouterse)
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