Suite aux déclarations de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le gouvernement surinamais va devoir modifier sa législation pour garantir les droits territoriaux des peuples autochtones. [Mongabay.com, 10/03/16, Extraits]

En janvier dernier, neuf ans après avoir été saisie d’une plainte officielle déposée par huit villages kali’na et lokono et l’Association des chefs de villages autochtones du Suriname (VIDS), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré le Suriname responsable de nombreuses violations envers les Kali’na et Lokono. Une décision sans précédent comportant de multiples conséquences dans un pays qui depuis quelques années connaît un boom de l’exploitation de l’or et de la bauxite, activités qui mettent en péril à la fois les communautés locales et les forêts tropicales. Les terres ancestrales des Kali’na et Lokono sont situées sur le Bas-Maroni, vaste espace estuarien qui abrite diverses espèces d’oiseaux, des tortues luths et de nombreuses autres espèces de grande importance pour la biodiversité mondiale.

Il est notamment reproché au Suriname de ne pas protéger les droits collectifs à la terre. Le gouvernement n’a pas créé d’institutions qui garantissent aux peuples autochtones le contrôle des ressources naturelles situées sur leur territoire. Le Suriname a bien voté en 2007 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, mais son système législatif hérité de l’époque coloniale ne leur reconnaît aucun droit particulier. Pendant des années, l’État surinamais a distribué des titres fonciers aux particuliers non autochtones, accordé des concessions et permis miniers sans consultation ou consentement des populations autochtones, et créé trois réserves naturelles sur le territoire des Kali’na et Lokono.

Le Suriname est l’un des rares pays d’Amérique du Sud n’ayant pas ratifié la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail. Adoptée en 1989 et ratifiée par une vingtaine de pays [dont la France ne fait pas partie], la Convention 169 est un outil essentiel pour protéger les droits des peuples indigènes et tribaux dans le monde entier.

Démarcation, restitution, réparation
La Cour a exigé que les territoires lokono et kali’na soient dûment délimités et assortis de titres de propriété, et que les terres attribuées à des tiers ou converties en réserves naturelles soient restituées dans un délai de trois ans. La Cour a également ordonné au Suriname de réparer les « graves préjudices » provoqués par l’extraction de la bauxite des filiales d’Alcoa et BHP Billiton, réalisée sans la participation effective des peuples kali’na et lokono et sans étude d’impact. Enfin, l’État surinamais a été condamné à mettre en place une série de « garanties de non-répétition», notamment la reconnaissance juridique des droits territoriaux de tous les peuples autochtones et tribaux du Suriname pour que l’histoire ne se répète pas.

20 000 autochtones
Le Suriname compte environ 20 000 autochtones, soit environ 3,8% de la population. Depuis 2014, ces communautés sont très actives sur la scène internationale. Elles ont participé notamment à deux événements majeurs : la Conférence mondiale sur les peuples autochtones (WCIP-New York) et la Conférence des Parties (COP20-Lima).
La décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme pourrait inciter le pays à enfin définir sa propre législation en matière de défense des territoires des peuples autochtones, d’autant plus qu’aujourd’hui les ressources comme la bauxite, l’or, l’eau, la forêt et la biodiversité sont de plus en plus convoitées.

Titre original : Indigenous rights win big against mining in Suriname, 10/03/16, Ruxandra Guidi.

http://news.mongabay.com/2016/03/indigenous-rights-win-big-against-mining-in-suriname/

Lire ou relire sur ce sujet : « Bouterse et l’impasse foncière » / USG-n°8

http://www.une-saison-en-guyane.com/breves/journal-des-guyanes/suriname-bouterse-et-l%E2%80%99impasse-fonciere/

Convention 169
« La Convention 169 relative aux droits des peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants a été adoptée en 1989 par l’Organisation Internationale du Travail, une agence des Nations-Unies. Elle reconnaît un ensemble de droits fondamentaux essentiels à la survie des peuples indigènes, notamment leurs droits à la terre et à disposer d’eux-mêmes.
C’est à ce jour le seul instrument contraignant de protection des droits des peuples indigènes. En ratifiant cette Convention, les États s’engagent à garantir de manière effective l’intégrité physique et spirituelle des peuples autochtones vivant sur leurs territoires et à lutter contre toute discrimination à leur égard.
Sa ratification par la France représente l’espoir d’un changement du droit et d’une dynamique forte pour la reconnaissance des peuples indigènes d’Outre-mer. De plus, la présence croissante des multinationales et des investissements français sur le territoire de peuples autochtones à l’étranger rend essentiel le cadre juridique et éthique que fournit la Convention 169.
»
www.survivalfrance.org/campagnes/169

Photo : P-O Jay / Atelier Aymara / Août 2009 – Danse Kali’na – Fort Zelandia – Paramaribo