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La rage est un virus transmis à l’homme par morsure, griffure ou léchouille d’une peau abîmée par un mammifère infecté. Donc, pas de transmission en cas de morsure par un serpent ou un caïman
. Après pénétration dans l’organisme, le virus remonte le long des nerfs jusqu’au cerveau, tout doucement, à la vitesse de 25 à 50 mm par jour, ce qui entraîne un délai d’incubation très long, de plusieurs semaines, entre la contamination et le début des symptômes. Quand le virus atteint le système nerveux central, il est à l’origine d’une encéphalomyélite, c’est-à-dire infection du cerveau et de la moelle épinière, qui se traduit par une agitation intense, une phobie de l’eau, puis un passage en coma. La maladie est systématiquement mortelle une fois les symptômes apparus, ce qui explique que toute la prise en charge repose sur le traitement au moment de la contamination supposée.
Les animaux les plus fréquemment incriminés dans la transmission de la rage sont nos amis les chiens. Dans l’hexagone, les cas humains sont très rares, 3 en 15 ans, et concernent tous des patients ayant été mordus par un animal infecté à l’étranger. En Amérique du Sud, les chiens sont aussi les premiers incriminés dans la transmission rabique. La rage peut également être transmise par des chauves — souris dites hématophages (littéralement mangeuses de sang), les vampires, qui sont porteuses asymptomatiques, c’est-à-dire qu’elles ne sont jamais malades de la rage. Une seule espèce s’en prend à l’homme, Desmodus rotundus, fréquente en Guyane. Très intelligente, elle s’attaque aux mammifères, la nuit pendant leur sommeil, en venant inciser l’orteil ou le mollet collé à la moustiquaire, puis lape le sang qui coule de façon abondante grâce à l’anticoagulant injecté lors de la morsure. Elle utilise pour cela ses incisives, c’est-à-dire les deux dents tranchantes de devant, et non pas les deux canines pointues, comme nous l’a fait croire un siècle de filmographie hollywoodienne. La morsure est rarement ressentie par la personne, qui est plutôt réveillée par la sensation chaude et poisseuse du sang imbibant le hamac. Mais il est à noter le très faible nombre de ces “chiros” porteurs du virus, seulement 2 sur les 1000 chauves-souris testées par l’Institut Pasteur entre 2005 et 2013. En Guyane, 16 animaux ont été identifiés comme porteurs de la rage ces 16 dernières années, parmi lesquels 10 bovins, 3 chiens, 1 chat et deux chauves-souris (une vampire et une frugivore). Un seul et unique cas humain, mortel, a été rapporté en 2008 en Guyane, et a été attribué sans preuve définitive, à des griffures par des chatons malades, décédés quelque temps avant le patient.
En cas de morsure par une chauve-souris, mais aussi par la plupart des mammifères sauvages, la prévention totale doit être appliquée : sont réalisées deux injections de vaccin (renouvelée 1 et 3 semaines après), et une injection d’immunoglobulines, c’est-à-dire des anticorps dirigés contre le virus de la rage produit artificiellement, à la fois à la racine d’un membre et au niveau de la morsure… En revanche, en cas de morsure par un animal domestique, le plus important est de savoir si l’animal peut être surveillé. En effet, contrairement aux “chiros”, les mammifères non volants meurent de la rage quand ils sont infectés. Ainsi, si le canidé est toujours vivant 15 jours après avoir mordu quelqu’un, c’est qu’il était juste teigneux, et pas enragé, sinon il en serait mort. Enfin, pour ceux qui seraient potentiellement confrontés, dans un cadre professionnel ou non, à des morsures de mammifères, une vaccination de préexposition, c’est-à-dire avant toute morsure, est hautement recommandée, et peut être exigée par l’employeur mais aussi par l’employé.

Texte de Loïc Epelboin
Illustration Émilie Mosnier