Alors que la Guyane retient son souffle, que personne ne semble en mesure de prédire si une vague tardive de Covid-19 va toucher, ou non, le territoire, l’Ouest continue de se préparer à toute éventualité. Au Centre hospitalier de l’Ouest guyanais (Chog), les personnels s’entraînent depuis plus de deux mois et saluent dans une belle unanimité ce temps gagné sur la maladie, temps dont la France métropolitaine n’a pas bénéficié. A l’extérieur, ONG et libéraux les soutiennent.

Au Chog de Saint-Laurent-du-Maroni, des protocoles précis ont été établis pour l’accueil des patients : dès l’arrivée aux urgences, un examen est effectué par un soignant, à l’extérieur du bâtiment. En cas de symptômes suspects – toux sèche ou température élevée – la personne est mise à l’écart, dans une tente devant les urgences.  Ceux qui présenteraient des symptômes respiratoire suivent ensuite un parcours dédié, jusqu’à si besoin arriver en réanimation, tandis qu’une chambre est dédiée aux suspicions Covid sans complications. Les personnes symptomatiques sont toutes prélevées et testées, puis si positives isolées chez elles et surveillées par l’Agence régionale de santé (ARS).

Toutes les personnes que nous avons pu interroger saluent les précautions mises en place. « Franchement, pour une fois l’hôpital me surprend. Je pensais que ça allait être catastrophique, mais en fait on se prépare beaucoup, je m’attendais pas à ça », s’exclame ainsi, entre rire et soulagement, une soignante en réanimation.*

Au sein de l’unité Covid elle-même, créée le 6 avril, un médecin, deux aides-soignants et deux infirmiers sont censés être en permanence actifs. Ils ont à disposition une vingtaine de lits et peuvent en récupérer huit autres en cas de besoin. Globalement, le parcours de soins « fonctionne, si tout le monde est formé », d’après une personne de l’unité.

Sauf que tout le monde n’a pas encore pu avoir accès à ces fameuses formations. Résultat, « tout le monde prend l’ascenseur réservé aux Covid+ ». Un soucis en cours de résolution, d’après plusieurs employés du Chog : des soignants ont été formés tant sur le virus que sur les protocoles d’habillage et de déshabillage, afin d’éviter toute transmission lors des soins.

Manque de place et de matériel

Plus gênant en revanche, nos interlocuteurs craignent que toutes les précautions prises ne suffisent pas à gérer une vague importante de malades. L’oxygène, les respirateurs pourraient venir à manquer, tout comme les masques. Déjà, « on manque cruellement de masques », témoigne notre soignante en réanimation. « On nous en distribue une vingtaine par jour pour tout le service. Et on a pas beaucoup de FFP2. Si on a une multiplication des cas, on en aura pas assez, pareil pour les lunettes de protection. » Là encore, l’administration du Chog semble consciente de l’urgence et s’efforce de récupérer et répartir le nécessaire, au cas où.

Administration aussi confrontée à un problème plus difficile à régler : le manque de place dans ses locaux et de lits disponibles. « Si il y a une épidémie comme en métropole, ça va être la catastrophe, 26 lits suffiraient pas », s’inquiète quelqu’un de l’unité Covid. D’autant que « comme on a qu’une seule salle de soins [dans l’unité], les patients suspectés d’une infection et ceux avérés reçoivent des soins dans même salle ». « En unité de soins intensifs il n’y a pas beaucoup de lits. Ils ont fait 8 places, mais.. On peut gérer un bas débit de malades, mais dès qu’il y a une vague on pourra pas », renchérit, préoccupé, un médecin des urgences.

ONG et infirmiers libéraux s’activent aussi

Pour se libérer tant du temps que de l’espace, le Chog, à l’initiative de la Croix-rouge s’apprête à mettre en place, le temps de la pandémie, une externalisation – dans les locaux de l’ONG à Saint-Laurent-du-Maroni et avec un médecin de la Croix-rouge – des consultations gratuites en médecine. L’association entend d’ailleurs instaurer également des consultations délocalisées dans les campous pour celles et ceux qui ne peuvent se déplacer. Malheureusement, l’organisation d’une telle action est complexe, notamment au niveau administratif, ce qui a retardé jusqu’à présent sa mise en œuvre.

Dans le même temps les infirmiers libéraux de l’Ouest continuent leur travail, tant bien que mal, tentant de protéger leurs patients tout en favorisant l’action de l’hôpital. Sans forcément beaucoup échanger avec ce dernier. « On a une doctoresse du Chog en télétravail qui nous envoie des ordonnances et autres. C’est le seul médecin avec qui l’on peut communiquer », explique Colin Jonas, qui exerce sur Saint-Laurent-du-Maroni. En cas de suspicion de Covid dans leur patientèle, il « se protège au maximum, respecte les gestes barrières et effectue les démarches nécessaires avec le 15 », pour la prise en charge du patient.

Comme au Chog, malgré une préparation qui a permis de se rassurer en partie, les libéraux ont « peur de ce virus », ils savent qu’en cas de grosse crise, leur travail « ne suffira pas ». « On a peur pour nos patients. On espère que ça arrivera le plus tard possible », avoue dans un souffle Colin Jonas. « Mais », quoiqu’il arrive et tout comme ses confrères et consœurs du Chog, « c’est pas pour autant qu’on va quitter, qu’on va s’arrêter ». Tous nous le disent : « c’est le patient le plus important ».

*Les travailleurs du Chog que nous avons interrogé ont tous préféré conserver leur anonymat.

Photo : Un faux patient est examiné pour une suspicion de Covid-19 aux urgences du Chog dans le cadre d’un exercice, le 7 avril 2020. Credit Samuel Zralos