La leptospirose. Jusqu’ici peu connue en Guyane, il s’agit d’une infection bactérienne faisant partie des zoonoses, ces maladies qui se transmettent des animaux vertébrés aux humains. En Amérique latine, de nombreuses espèces peuvent être infectées, mais surtout des mammifères comme des félins, primates et divers ruminants, sauvages et domestiques. Et, ce n’est pas constamment la faute des moustiques, les rongeurs jouent un rôle particulièrement important dans la transmission de la maladie puisqu’ils sont porteurs sans être malades et ils transmettent la bactérie à l’Homme et aux autres mammifères. La contamination se fait la plupart du temps par contact avec l’urine de rat. Dans les jardins ou au bord des cours d’eau, il suffit de se faire un petit bobo sur des branchages ou des rochers utilisés par des rongeurs comme toilettes publiques.
L’infection par cette bactérie, qui survient environ une semaine après la contamination, peut donner une gamme très large de symptômes. Ainsi dans sa présentation la plus bénigne, qui est aussi la plus courante, elle peut se traduire par une fièvre accompagnée de maux de tête et de courbatures. Elle est alors peu discernable d’autres maladies infectieuses telles que la dengue, le paludisme ou la fièvre Q. Même suite à une prise de sang, le diagnostic de certitude est difficile. La recherche d’ADN de la bactérie n’est pas disponible facilement en Guyane. La présence d’anticorps spécifiques au-delà de 7 jours apporte cependant une aide précieuse, quoique souvent tardive.
La maladie peut aussi se présenter sous une forme plus grave, touchant alors intensément les reins, les poumons et le foie. L’enjeu est donc de savoir évoquer la maladie précocement et de débuter les antibiotiques même en l’absence de test diagnostique positif. Néanmoins, la décision de débuter des antibiotiques doit être réfléchie. Mettre des antibiotiques à un patient ayant en fait une dengue ou un paludisme peut être inutile, voire carrément délétère.
La leptospirose existe partout dans le monde. Elle prospère particulièrement dans les contrées tropicales, où elle se délecte du climat chaud et humide. Elle y est particulièrement redoutée en cas d’inondations ou cyclones. En dehors de ces cas extrêmes, on observe des cas sporadiques chez les amateurs de rafting, trail, et autres activités aquatiques, mais aussi chez les adeptes de jardinage nu-pied.
Cette infection bactérienne est de notoriété publique dans la France de l’Outre mer, que ce soit dans l’océan Pacifique, l’océan Indien et et les Caraïbes. En Guyane, en revanche, elle est considérée comme rare. Des études récentes laissent pourtant à penser que cette assertion ne serait pas juste et qu’elle serait plus fréquente qu’on ne le croyait. Il est probable que dans les années à venir, la sensibilisation de la population guyanaise et la mise en place de techniques diagnostiques appropriées permettront d’évoquer plus systématiquement cette infection.
Texte de Loïc Epelboin, médecin infectiologue
Centre hospitalier de Cayenne
Illustrations de Max Sibille