La société Auplata conviait jeudi dernier les médias à une conférence de presse pour présenter un nouveau procédé de récupération de l’or à base de thiosulfate de sodium. Cette méthode permettrait un accroissement de rendements par rapport à la gravimétrie. Si le rendez-vous n’a pas mobilisé les médias locaux, le Conseil régional est venu en nombre soutenir la compagnie aurifère.

Près du quart de la conférence Auplata (1) a été animée par Rodolphe Alexandre qui a déployé un enthousiasme démesuré, mais similaire à celui accordé quelques semaines plus tôt, lors de la conférence de presse de la multinationale Iamgold. Ce jour là, notre président s’était targué d’aller lui-même défendre le dossier à la présidence de la république. Hier soir, il était accompagné de ses vice-président, à savoir Hélène Sirder (PNR/CR), Boris Chong-Sit (UMP), Jocelyn HO-TIN-NOE et du secrétaire de l’ARD, Pierre Zammit (Cnes/Csg). Tous ont bu ses propos lorsqu’il a martelé qu’il était « d’un enjeu majeur, pour la collectivité régionale, de se positionner sur l’exploitation aurifère» ;  «Il faut arriver à dédiaboliser le phénomène d’extraction minière» a t’il rajouté.

L’équipe en place à la collectivité régionale n’a véritablement plus qu’un plus seul outil de développement économique, plus qu’une seule stratégie de croissance : l’extraction minière. Plus grave encore, son président a qualifié la nécessité de placer l’or dans le pays comme un « soubassement » de l’économie.

En tant qu’historien Rodolphe Alexandre devrait pourtant se rappeler l’épisode dramatique de la ruée vers l’or des années 1900. On avait alors tout misé sur les comptoirs du haut-Approuague, négligeant le développement durable des activités vivrières (agriculture, artisanat,…) de Kaw à Guisambourg. Tout le tissu entrepreneurial a périclité et une poignée d’intérêts particuliers se sont enrichis avant de fuir la Guyane.

L’Histoire a toujours prouvé qu’on ne fonde pas une économie sur une ressource non durable, quasi inutile et dont le cours est soumis à des variations non maîtrisables. Que restera-t’il de ces gesticulations d’ici peu ? Le projet Iamgold vient encore de s’effriter depuis la parution de la résolution européenne visant à interdire l’utilisation du cyanure. Dans le cas d’Auplata, les rejets de cuivre (2) dans le milieu naturel sont de plus en plus surveillés en Europe car leur toxicité modifie profondément l’équilibre des écosystèmes aquatiques (3). Qu’en sera t’il bientôt ?

Qui plus est, la jeunesse guyanaise aspire à autre chose qu’à des emplois pénibles, nocifs et en sites isolés. Quant aux retombées économiques, elles sont quasi nulles. Les miniers bénéficient depuis peu d’un carburant à tarif réduit et la nouvelle taxe minière, (2010), représente que 0,65% de la valeur de l’or extrait … une aumône ! Est-ce assez pour détruire une forêt primaire dont la biodiversité n’a même pas encore été inventoriée ?

R. Alexandre  s’est aussi félicité que la Région ait aidé au financement des expérimentations d’Auplata. La somme de 182 000 euros provisionnée par la Région et le FEDER a d’ailleurs été réclamée par l’industriel.

A ce titre, Maïouri Nature Guyane s’interroge sur la légitimité de telles dépenses sur fonds publics qui sont logiquement destinées aux petits entrepreneurs locaux. Rappelons tout de même qu’Auplata est présidé par Jean-Pierre Gorgé, connu en métropole pour son «Groupe Gorgé» (200 millions d’euro de CA) et sa filliale ECA (116 millions d’euros de CA). N’y a-t-il pas en Guyane des secteurs ou des micro-projets durables méritant d’être supportés à la place de ces «world compagnies ».

Enfin, R. Alexandre a encouragé les opérateurs miniers locaux à se faire subventionner par l’Agence Régionale de Développement (ARD), un organisme présidé par la minière… Carol Ostorero !

Il est prouvé que l’écologie raisonnée est créatrice d’emplois valorisants et durables. Plutôt que de dépenser l’argent public à maintenir cette industrie mortifère et éphémère, imaginons et orientons nos efforts vers des activités durables, profitant au plus grand nombre, et sans conséquences néfastes pour nos descendants.

Mais surtout lancer des programmes pour découvrir, faire connaître et exploiter les ressources de cette forêt, cette forêt unique, qui est notre véritable trésor et dont nous ignorons presque tout des largesses dont elle est pourvue

La Guyane a besoin de « services », pas d’une industrie «primaire».
Maïouri Nature Guyane persiste à croire que la Guyane est capable d’imaginer autre chose que l’orpaillage pour se développer et offrir un avenir à ses enfants.

(1) Intervention de 10minutes sur une conférence de 50 minutes
(2) L’Ineris a estimé qu’«Au-delà d’une concentration de 25 microgramme de cuivre / litre, les équilibres au sein des différentes communautés des écosystèmes
aquatiques sont profondément modifiés et envisage la « concentration prévisible sans effet pour l’écosystème » (PNEC) à 2 microgramme / litre.
(3) Pour suggérer l’innocuité du sulfate de cuivre dans les criques, le technicien d’Auplata, a fait référence à la « bouillie bordelaise », utilisée par les
jardiniers ! Comparez les énormes consommations du process du thiosulfate a cette recette champêtre n’augure pas d’une rigueur professionnelle, sinon
de vouloir « noyer le poisson » !
Journal officiel européen : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2011:081E:0074:0077:FR:PDF