Au lendemain de la visite de George Pau Langevin, le collectif Hurleur de Guyane partagent la lettre ouverte remise à la Ministre des Outre-mer.

Lettre ouverte à nos dirigeants La Guyane, après 25 ans de pillage, dit stop au Dirty Paradise (1) !

Alors que le commandement Harpie s’enorgueillit du démantèlement du plus vieux site d’orpaillage illégal à moins d’une heure de Cayenne, nous, Hurleurs de Guyane, estimons qu’il n’y a pas de quoi pavoiser, qu’il n’a pas de quoi se féliciter.
« Le projet de loi Biodiversité a pour ambition de protéger et de valoriser nos richesses naturelles. Il permet une nouvelle harmonie entre la nature et les humains. C’est une chance qui nous est donnée avant qu’il ne soit trop tard de s’appuyer sur le vivant pour faire de la France le pays de l’excellence environnementale et de la croissance verte et bleue. » Ségolène Royal ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer
Le nombre de sites actifs ne semblent pas avoir diminué et les chiffres qui nous sont communiqués aujourd’hui sont les mêmes que ceux présentés il y a trois mois, à l’occasion de la communication du bilan Harpie 2015. La situation semble donc stagner ! Le Parc Amazonien, le plus grand parc national de France et d’Europe et sa centaine de sites illégaux en activité, reste une zone à défendre … mais sans défenseur, ou si peu. Est-ce là le modèle de protection et de valorisation de nos richesses naturelles ?
« Nous parlons à l’Etat français, mais personne ne nous entend et ne veut aider notre terre. Nous voulons plus, nous voulons que vous compreniez vraiment maintenant ! » – Gran Man Amaïpoti, décembre 2015
Le reste du territoire n’est pas mieux loti et les témoignages sont toujours aussi alarmants (2). Alors que le bassin de Camopi était sous contrôle fin 2015, les garimpeiros sont de retour entraînant tensions et insécurité dans la région. Le Haut Maroni demeure une zone sinistrée depuis des années, les appels au secours de Cayodé sont autant de cris dans le désert (3). Combien de temps devrons-nous hurler ?
« Les sociétés civiles, les peuples, à commencer par les peuples indigènes font entendre leurs voix » – Laurent Fabius (alors ministre des Affaires Etrangères) Bolivie, octobre 2015

Le mercure continue de souiller partout les criques de Guyane et d’empoisonner les habitants de l’intérieur du territoire, dans l’indifférence quasi générale. Aucune étude épidémiologique des services de santé publique sur les impacts du mercure n’est à ce jour envisagée, on se contente des données publiées en 2007 alors que l’orpaillage illégal a subi un boum alarmant dès 2008 puis à nouveau en 2014. Quand allez-vous enfin reconnaître le fléau tant sanitaire qu’environnemental ? 2

Les 9/10ièmes de l’or extrait de Guyane le sont illégalement … 10 tonnes exfiltrées chaque année ? WWF France
La seule solution pour mettre un terme au pillage est la coopération transfrontalière : sans elle, la lutte restera vaine. Aujourd’hui, où en sont les accords ou projets d’accords internationaux avec nos voisins Brésilien et Surinamien qui subissent actuellement une dégradation de la situation économique et politique instable ?
35% des émissions mondiales de mercure proviennent de l’extraction de l’or – PNUE Global Mercury Assessment (2013)
Dans le cadre de l’entrée en vigueur de la Convention de Minamata fin 2016 (traité mondial juridiquement contraignant destiné à protéger la santé et l’environnement des effets nocifs du mercure) quel a été le poids de la France, signataire du traité, auprès du Brésil et du Suriname pour que prenne fin le commerce du mercure ? (4)

Les outre-mer « elles ne sont pas forcément au coeur des préoccupations immédiates du microcosme parisien » – Général Soubelet, commandant de la gendarmerie d’Outre-mer
Les Hurleurs de Guyane, représentants de la société civile, ont obtenu la tenue d’une table ronde le 17 février dernier à l’Assemblée Nationale (5). Nos revendications ont été entendues et soutenues par les députés ; le président de la Commission du Développement Durable, JP. CHANTEGUET a répondu à nos attentes avec la promesse de la mise en place d’une mission d’information indépendante inter-commissions sur l’orpaillage illégal en Guyane. Mais devons-nous attendre ? Non ! Mettons un terme à l’indifférence et réagissons dès à présent face à l’urgence envers les populations victimes des méfaits de l’orpaillage illégal et pour la sauvegarde de notre territoire.
Ils ont dit …
« Si la France n’est pas exemplaire, elle ne pourra pas convaincre », François Hollande, Président de la République Française, à l’occasion du lancement de la COP21, décembre 2015
« Veiller à l’intensification des actions de l’Etat par rapport à l’orpaillage illégal » programme de la liste ‘Un territoire, une collectivité, un destin’ pour les élections à la CTG, soutien de Rodolphe Alexandre, Président de la Collectivité Territoriale de Guyane 3

Pour finir …
Nous apprenons qu’à Lima (Pérou) le 17 mars dernier, la France a été élue à la présidence du Conseil international de coordination du programme MAB (Men and Biosphere) de l’Unesco. Son représentant, Didier Babin, chercheur du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et Président du comité MAB France, a l’ambition de renforcer la force politique du programme MAB et le rôle des réserves de biosphère en tant que modèles de développement durable …
Dont acte !
Et maintenant, finit les paroles, place aux actes et aux décisions Mesdames et Messieurs les dirigeants !
Compte tenu de ce qui précède, nous exigeons, à nouveau, et sans plus attendre vue l’urgence de la situation, pour la sauvegarde de notre territoire et la protection de nos concitoyens :
- Les moyens de police et de justice nécessaires pour éradiquer l’orpaillage illégal ;
- Une étude épidémiologique sur les impacts du mercure sur les populations de l’intérieur ;
- La mise en place urgente d’une véritable coopération transfrontalière France/Brésil/Suriname.

Plus tard, il sera trop tard …

(1) Dirty Paradise, film de Daniel Schweizer (2009) : https://www.youtube.com/watch?v=rQDuCyqFZE0
(2) Appel à l’aide du Gran Man et des chefs amérindiens de Guyane (2015) : https://www.facebook.com/notes/hurleurs-de-guyane/lappel-%C3%A0-laide-du-gran-man-et-des-chefs-am%C3%A9rindiens-de-guyane/1174519369243974
(3) Témoignage de la cheffe de village de Cayodé (2014) : https://www.youtube.com/watch?v=VEISpXhAvVk
(4) Convention de Minamata, gestion du mercure pour un développement durable (2016) : http://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/environment-energy/chemicals_management/mercury-management-for-sustainable-development/
(5) Table ronde sur l’orpaillage illégal en Guyane du 17 février 2016 à l’Assemblée Nationale : https://www.youtube.com/watch?v=-Um0jEtx9RI