Une thèse qui sera soutenue ce vendredi 7 décembre au Muséum National d’Histoire Naturelle apporte de nouveaux éléments sur les effets de la chasse dans la forêt de Kaw. Ils feront l’objet de plusieurs publications en préparation et soumises dans des revues internationales.

Impact des pressions anthropiques sur les communautés de frugivores et la dispersion des graines en forêt guyanaise

Sous la direction de Pierre-Michel Forget et François Feer

Résumé

 Des surfaces toujours plus grandes de forêts tropicales humides apparemment épargnées par la déforestation sont en réalité affectées par des formes plus subtiles et moins visibles de perturbations anthropiques : la chasse, l’exploitation forestière, la collecte de produits forestiers non ligneux, la construction de routes et l’orpaillage ont tous un impact sur les populations et modifient des processus écosystémiques clés tels que les interactions mutualistes. La dispersion des graines par les frugivores peut être affectée à la fois par la chasse, qui a un impact sur les disperseurs, et par l’exploitation forestière, qui modifie les ressources en fruits. Dans les deux cas cela a des conséquences majeures sur le recrutement des arbres et la régénération de la forêt. Cependant, jusqu’à maintenant les impacts sur la dispersion des graines des modifications dans la structure des communautés de frugivores ont surtout été étudiées à l’échelle de l’espèce d’arbre. Cette thèse s’est intéressée au problème à l’échelle de la communauté. Les impacts de la chasse et de l’exploitation forestière sur les arbres et leurs disperseurs et prédateurs de graines ont été caractérisés à deux niveaux : un impact direct sur les communautés de frugivores et de granivores, et un impact indirect sur l’enlèvement des graines des communautés d’arbres endozoochores. La Guyane a été choisie comme terrain d’étude, et deux sites aux situations contrastées ont été comparés. Le site perturbé de la Montagne de Kaw est facilement accessible depuis Cayenne et est chassé et localement exploité. A l’opposé, la station de recherche des Nouragues, site témoin, est reculée, protégée par une réserve naturelle et par conséquent quasiment intacte. Sur chaque site, des transects ont été utilisés pour recenser les communautés et estimer l’enlèvement des graines : trois transects aux Nouragues et quatre sur la Montagne de Kaw, dont deux en forêt chassée et deux en forêt chassée et exploitée. La longueur des transects est comprise entre 1600 et 2100 m. Le travail de terrain a été effectué en 2010 et 2011 pendant la saison des pluies (de fin janvier à début mai). Les communautés de mammifères et d’oiseaux diurnes frugivores et granivores ont été échantillonnées par distance samplingle long des transects, qui ont été parcourus dix fois chacun. Au niveau de l’espèce, des réductions d’abondance marquées ont été observées sur la Montagne de Kaw pour plusieurs espèces sensibles à lachasse, y compris d’importants disperseurs de graines tels que les grands primates (Atelespaniscusand Alouattamacconnelli). Cependant, les effets respectifs de la chasse et de l’exploitation forestière sont difficilement discernables à l’échelle de la communauté, probablement en raison d’effets écologiques confondants. Les taux de consommation des fruits et d’enlèvement des graines ont été évalués à partir de comptages des fruits et des graines effectués au sein de quadrats d’un mètre carré placés au pied des arbres en fruits. Quatre familles d’arbres zoochores ont ainsi été étudiées : les Sapotaceae, les Myristicaceae, les Burseraceae et les Fabaceae. Les taux d’enlèvement des graines sont nettement inférieurs sur la Montagne de Kaw, au niveau à la fois de la famille et de la communauté, ce qui suggère que la communauté de frugivores modifiée est incapable d’assurer les mêmes niveaux d’enlèvement des graines que la communauté intacte. Des diminutions moins importantes de l’enlèvement des graines ont été observées pour les Burseraceae et les Myristicaceae, ce qui suggère qu’une certaine forme de compensation peut avoir lieu pour ces familles qui sont dispersées à la fois par les oiseaux et les mammifères. Enfin, je me suis concentré sur le genre Virola (Myristicaceae) en analysant les données d’une étude conduite en 2009 et 2010 avec un protocole similaire aux Nouragues, sur la Montagne de Kaw et au Mont Grand Matoury, un site chassé et fragmenté avec une communauté de frugivores très appauvrie. Des résultats cohérents avec ceux obtenus à l’échelle de la communauté ont été trouvés. Les taux d’enlèvement des graines sont considérablement plus bas au Mont Grand Matoury, qui est le site le plus perturbé, et les taux de manipulation par les mammifères décroissent significativement avec le degré d’anthropisation du site. Cette étude souligne l’importance de prendre en compte les interactions plantes – animaux au niveau de la communauté pour assurer la conservation et la gestion durables des forêts tropicales humides.

 

MUSEUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE
ECOLE DOCTORALE « SCIENCES DE LA NATURE ET DE L’HOMME » (ED 227)

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE Discipline : Ecologie
Présentée et soutenue publiquement par

Olivier Boissier

Le 7 décembre 2012

Impact des pressions anthropiques sur les communautés de frugivores et la dispersion des graines en forêt guyanaise

Sous la direction de Pierre-Michel Forget et François Feer

JURY

Pr Eckhard Heymann, Université de Göttingen – Rapporteur

Pr Doyle McKey, Université de Montpellier – Rapporteur
Dr Patrick Jansen, Université de Wageningen et Smithsonian Institution – Examinateur

Pr Denis Couvet, Muséum National d’Histoire Naturelle- Examinateur
Pr Christophe Thébaud, Université Paul Sabatier- Examinateur
Dr Pierre-Michel Forget, Muséum National d’Histoire Naturelle – Directeur de thèse
Dr François Feer, Centre National de la Recherche Scientifique– Co-directeur de thèse

Mots clés : forêt tropicale humide ; dispersion des graines ; frugivorie ; chasse ; exploitation forestière ; communautés animales ; Guyane.