En Guyane, la nomination ce mercredi 17 mai de Nicolas Hulot au ministère de « la transition écologique et solidaire » a évidemment surpris. L’entrée de cette personnalité engagée dans le gouvernement d’Edouard Philippe est vécue par le milieu écologiste de manière positive, même si le pragmatisme demeure.

« Pour reprendre les mots de Daniel Cohn-Bendit (ex-député européen Europe Ecologie-Les Verts), on se moquait de nous quand on a rallié Macron et puis au final on a le « pape de l’écologie » » tacle Harry Hodebourg, représentant Cap 21 en Guyane. « C’est une grande excitation et un immense bonheur » poursuit celui qui a soutenu Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.

 « C’est une bonne nouvelle, je suis tout à fait favorable car j’estimais qu’il n’y avait pas beaucoup d’écologistes au gouvernement, donc j’ai un grand espoir dans cette nomination » commente pour sa part le botaniste Jean-Jacques de Granville.

La notoriété de Nicolas Hulot a ainsi emporté avec elle, pendant les heures qui ont suivi l’annonce, la nécessaire « transition écologique » au centre de l’attention politique et médiatique. Le poste, qui pourrait être amené à évoluer à l’issue des législatives parachute M. Hulot comme l’un des trois ministres d’Etat, le numéro 3 du gouvernement Philippe précisément.

Nicolas Hulot a annoncé que son action prioritaire sera « l’urgence climatique ». Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait annoncé que « la réduction des émissions de gaz à effet de serre » serait « la priorité de la politique énergétique » nationale, avec un tiers des investissements de l’Etat consacrée à cette transition (15 milliards). Il a aussi pris l’engagement qu’il ne « délivrer[a] aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures » au cours de son quinquennat.

En Guyane, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il faut s’attaquer à la déforestation-brûlis (http://www.gec-guyane.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=277&Itemid=364), impulser un mix énergétique non basé sur les énergies fossiles et les grands barrages, et penser différemment les déplacements sur le littoral. Pour Laurent Claudot, président de l’association Aquaa (association qualité urbaine et architecturale amazonienne), « soit il sait bien s’entourer » soit les politiques propres à la Guyane, vont « lui passer au-dessus de la tête. Pour arriver à ce que des décisions localement soient prises,il faut que ça passe par un certain fédéralisme et que la CTG (collectivité territoriale de Guyane) soit motrice et malheureusement pour l’instant, on ne peut pas dire qu’un élu se dégage sur cette thématique-là, que ce soit sur le bâtiment ou l’énergie. ».

Capitalisme vert

La « solidarité » fait aussi sa grande apparition. Une solidarité dont on attend de voir la déclinaison, tout comme celle de la « transition énergétique » conditionnée par la « compétitivité » des entreprises françaises, génératrices « d’emplois, d’amélioration du pouvoir d’achat » sous la férule de Edouard Philippe , ex-Areva, qui n’avait pas adopté la loi pour la transition énergétique portée ces derniers mois par Ségolène Royal devant le Parlement, selon la presse nationale.

« Avec le gouvernement qu’on a, je considère qu’il est l’homme de la situation. C’est quelqu’un qui ne se fera pas manipuler. Je pense qu’il y mettra toute son énergie » assure Patrick Deixonne, fondateur des expéditions 7e continent. Ces missions menées ces dernières années avaient permis d’approfondir les connaissances scientifiques au sujet de l’existence d’un « continent » de détritus, notamment plastiques, de 1 000 km sur 2 000 km, créé par la pollution anthropique sous l’action des courants marins de l’Atlantique nord. « C’est quelqu’un qui connait très bien le dossier sur le milieu marin, la pollution plastique et la préservation de l’océan, j’espère qu’il n’y aura pas les mêmes effets d’annonce qu’avec Ségolène Royal ».

Au WWF Guyane « on salue cette nomination ». « C’est quelqu’un qui a largement démontré ses convictions en faveur de la transition écologique, et sa capacité à faire bouger les lignes. Il a longtemps œuvré via son ONG, cette fois il tente le pari d’influencer les politiques nationales en tant que membre du gouvernement » note le délégué régional, Laurent Kelle.

« J’espère qu’il sera attentif au protocole de Nagoya et qu’il donnera aussi sa position sur les droits des communautés autochtones » retient Alexis Tiouka qui connaît l’implication de la fondation Hulot auprès du chef coutumier du Mato Grosso, Raoni. Même attente pour Jocelyn Thérèse, ex-président du comité consultatif des peuples autochtones et bushinengue (CCPAB) : « j’ai eu l’occasion de le rencontrer dernièrement à Paris sur les problématiques des Amérindiens en Amazonie. Il encourageait le chef Raoni à organiser une rencontre des leaders autochtones pour sauver la nature. Il nous avait dit que s’il pouvait peser sur les droits autochtones il le ferait. Maintenant qu’il est aux affaires, tant mieux. Il y a un grand chantier qui s’ouvre et on commencera le dialogue avec lui, s’il perdure ».

Fabio Léon, habitant du village Terre Rouge à Saint-Laurent-du-Maroni et membre du collectif « jeunesse autochtone » n’est pour sa part pas très convaincu, blasé par les « lobbys » financiers qui sont partie prenante du secteur.

Montagne d’Or, le grand rendez-vous minier de la mi-2017

Le dossier minier sera sans doute l’un des premiers grands rendez-vous du ministère de la transition énergétique avec la Guyane, dossier qu’il pilote avec le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. « Sur le minier, il n’y aura jamais de consensus » présage Harry Hodebourg sur les débats à venir en conseil des ministres. « La fondation Hulot est membre du collectif « Or de question » (collectif guyanais anti-mine), donc personne ne peut douter des convictions de Nicolas Hulot. Après, le débat démocratique aura lieu en Guyane, et ce sont les Guyanais qui auront le dernier mot ».

La question minière sera l’occasion de voir la magie gouvernementale à l’œuvre pour affilier ce qui est inconciliable : l’exploitation aurifère industrielle et la « lutte contre les gaz à effet de serre ». L’ancienne ministre de l’environnement, Ségolène Royal, n’avait jamais ouvertement condamné cette activité, même si elle avait distillé, à mi-mots, des signes d’hostilité. En revanche, lorsqu’il était ministre de l’économie, lors d’un déplacement en Guyane en août 2015, Emmanuel Macron avait apporté un large soutien au projet industriel, Montagne d’or porté par Nordgold et Columbus gold, qu’il qualifiait de premier exemple de « mine responsable » française.

Le conseiller municipal d’Awala Yalimapo, Alexis Tiouka, est très circonspect : « j’espère qu’on va donner à Nicolas Hulot tous les moyens pour agir et qu’il ne fasse pas du figuratif ». L’ancien membre de Guyane Ecologie attend du nouveau ministre « qu’il nous donne assez vite sa position sur les recherches de multinationales en Guyane, comme par exemple la Montagne d’or, car l’enquête publique va entrer en juillet-août – pendant les vacances comme d’habitude ».

Le militant écologiste Jean-Marie Prévoteau dresse une longue liste de « chantiers qui attendent et s’offrent à un ministre de la carrure de M. Hulot », tels que « le permis de chasse, le permis de pêche en eau douce adaptés au contexte guyanais, l’élevage de la faune sauvage, le renforcement de la garderie des espaces naturels protégés en Guyane, la protection du littoral face aux potentiels risques pétroliers, la protection ( et la mise en valeur) des savanes côtières sur lesquelles d’énormes pressions sont présentes. L’éradication de l’Acacia mangium, espèce végétale invasive implantée en Guyane avec le concours d’organismes et services de l’Etat. Bien entendu l’actualité brûlante, d’un point de vue environnemental, est le projet de la méga-industrie minière Montagne d’or. J’espère que M. Hulot interviendra favorablement pour qu’il n’aboutisse pas. ». 

En juin 2015, Emmanuel Macron s’était opposé au permis aurifère délivré à la société Rexma sur la crique Limonade, dans l’enceinte du Parc amazonien de Guyane. Le rejet avait été motivé par la vive controverse née de l’ouverture deux ans plus tôt par le parquet de Cayenne d’une enquête pour « faux et usage de faux » à l’encontre de la société. Enquête depuis classée sans suite par le parquet.