Dans le cadre de sa politique d’amélioration des connaissances naturalistes, la DEAL accompagne la réalisation de nombreuses missions d’inventaires pluridisciplinaires. Ces prospections permettent de renseigner les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique « ZNIEFF » du département. L’une d’entre elles s’est déroulée début novembre sur le site des chutes Voltaire, commune de Saint-Laurent du Maroni. Une équipe d’ornithologues et de mammalogues ont prospectés et arpentés pendant une dizaine de jours ce magnifique site particulièrement singulier.

Lors d’une nuit consacrée à l’inventaire des chiroptères (chauve-souris), une surprise de taille les attendait dans un des filets de capture, un oiseau inconnu en Guyane, le Guacharo des cavernes (Steatornis caripensis). Le Guacharo des cavernes vit dans la plupart des régions du nord de l’Amérique du Sud, notamment au Venezuela, et vers le Sud, du Pérou à la Bolivie, ainsi que sur l’île de Trinidad.

Cette donnée guyanaise est donc à plus de 1000 kilomètres de son aire de répartition connue. Mais le fait le plus troublant est que l’individu capturé présentait des signes de nidification, ce qui signifierait que cette espèce se reproduit potentiellement en Guyane. Des recherches complémentaires devraient être entreprises afin de vérifier cette infirmation capitale.

Cet oiseau nocturne au faciès particulier a de nombreuses particularités. Il vit d’ordinaire dans des grottes ou de grandes failles rocheuses et niche sur des corniches jusqu’à plus de 700 mètres de l’entrée des cavités, ou règne l’obscurité totale. Pour s’adapter à ce type d’environnement cette espèce est une des rares à avoir développé l’écholocalisation : « émission d’ultrasons » comme les chauves-souris lui permettant de s’orienter dans l’obscurité. Le Guacharo émet des « click » nets dans ce but et écoutent l’écho afin de se situer ou d’identifier des objets.

Le Guacharo des cavernes est très grégaire. Il niche en colonies qui peuvent atteindre plusieurs milliers de couples. Au crépuscule, les oiseaux s’activent pendant une heure en vocalisant avant de quitter la caverne en groupe pour aller se nourrir. Son régime alimentaire est également particulier. En effet, les Guacharos sont strictement frugivores, ils arrivent à cueillir les fruits des arbres en voltigeant à leur cime sans s’y poser. Il les avale en entier pour en régurgiter les noyaux par la suite. Il recherche principalement les fruits de palmier à huile d’où son nom en anglais (Oilbird) et son nom scientifique (Steatornis) qui signifie «Oiseau à huile». Les populations vivant à proximité des colonies ont appris à extraire l’huile provenant du Guacharo à partir de la cuisson des oisillons. Cette huile, sans odeur, claire et qui se conserve bien, est utilisée principalement pour la cuisine et dans une moindre mesure pour alimenter les lampes à huile. La chasse aux jeunes Guacharos fut pratiquée au Pérou jusqu’aux années 1960, et jusqu’aux années 1970 à Trinidad, au Venezuela et en Équateur. L’espèce est désormais intégralement protégée dans la majeure partie des pays ou elle se trouve.

Cette découverte démontre à nouveau que la biodiversité de notre département est encore largement méconnue et que de tels efforts d’amélioration des connaissances doivent se poursuivre. Elle nous rappelle aussi qu’il reste beaucoup de mystères et d’espèces à découvrir sur une grande partie de notre territoire.