Le mois de septembre aura marqué les agendas politiques d’une touche environnementale salutaire : via la « conférence environnementale », le Chef de l’État a souhaité donner un nouveau souffle à la politique française dans ce domaine. Parmi les choix salués figurent le gel des permis d’exploration et d’exploitation des gaz de schiste sur l’ensemble du territoire national.

Les débats ayant conduit à cette décision responsable ont rappelé certaines évidences ; à l’heure des ressources naturelles surexploitées, l’intérêt général, jaugé sur le long terme, doit systématiquement prévaloir. A fortiori lorsqu’il s’agit d’extraire des ressources non renouvelables, dans des conditions technologiques mal maîtrisées, pour des retombées socioéconomiques hypothétiques, au regard de la réalité des risques locaux encourus.

Loin des centres décisionnels nationaux perdure une exception à ce principe : les prospections pétrolières au large de la Guyane continuent. Les forages concernent des profondeurs extrêmes, n’ont fait l’objet d’aucune forme de concertation en amont de leur planification, et ont valu, au mois de juin, le premier imbroglio majeur du Gouvernement Ayrault. Les études sismiques ont lieu en ce moment, en pleine période de présence significative de populations de mammifères marins. Ces prospections perdurent, alors que le tout premier test « grandeur nature » du plan de réponse à un déversement accidentel d’hydrocarbures ne sera mené que dans quelques semaines… En parallèle, un groupe de travail est invité à réfléchir à un « mode d’emploi » de dépollution des mangroves : car rien n’existe aujourd’hui pour rassurer le décideur sur l’existence éventuelle de « bonnes pratiques » dans ce domaine.

Ces pratiques se poursuivent aussi, et c’est plus étonnant, alors que la filière pêche, réunie au sein de son organisme consulaire, demande un moratoire sur ces prospections. Il s’agit probablement d’un cas unique, où l’ensemble d’un secteur économique local, pourvoyeur d’emplois et de retombées économiques (en troisième position derrière le spatial et l’exploitation aurifère en Guyane), demande un tel arbitrage. Car dans la précipitation généralisée qui a caractérisé le démarrage des prospections au large de la Guyane, les impératifs calendaires et économiques des investisseurs ont bien été considérés : par contre, l’estimation des impacts de ces mêmes travaux auprès, et au sein, de la sphère socioéconomique locale, reste dépourvue d’analyse. Demeure donc la crainte d’impacts négatifs sur les ressources halieutiques, dont les exploitants guyanais ont depuis bien longtemps adopté une démarche de gestion responsable.

Retombées hypothétiques à terme contre retombées socio-économiques actuelles et renouvelables, manque d’études d’impacts préalables sur les ressources exploitées localement : autant d’éléments qui doivent être considérés à leur juste importance, comme le demande le Comité Régional des Pêches.

Parce qu’il est capital qu’un tel projet industriel, et ses risques inhérents, soit avant tout compris et éventuellement accepté par une large part de la population, le WWF-France regrette l’absence de débat public sur la pertinence de la poursuite des prospections pétrolières au large de la Guyane. Et face au manque d’un tel cadre organisé d’information et de débat, le WWF-France souhaite saluer la démonstration de responsabilité du secteur de la pêche de Guyane, en partageant la demande de moratoire.