Au cours des deux réunions publiques organisées à Cayenne et à Kourou, M. Roméo (PDG de Shell) a présenté son projet pétrolier. Le Collectif a relevé nombre d’incohérences, inquiétantes à ce niveau, et vous propose de revenir sur certaines d’entres elles.

- « Nous recherchons du pétrole pour répondre à la demande croissante en énergie et éviter une pénurie énergétique »

Shell a stoppé ses investissements dans le domaine de l’éolien et du solaire dans les dernières années parce que ce « n’était pas assez rentable pour l’entreprise ». Lorsqu’un participant fait remarquer qu’il serait plus bénéfique pour la société et les générations futures de développer des énergies renouvelables, M. Roméo formule cette réponse surréaliste : « Mais allez-y, lancez-vous, développez les énergies vertes, je suis pour ! » Certainement que ce participant n’a pas 240 milliards de dollars disponibles… De son côté, Shell investit des millions d’euros en lobbying pour éviter la mise en place de loi contre le réchauffement climatique.

- « Nous sommes guidés par deux objectifs : zéro accident et impacts environnementaux minimum »

Shell a été un des principaux acteurs de la destruction du delta du Niger où vivent actuellement des populations en détresse qui attendent toujours que la multinationale vienne « réparer » les deux marées noires pour lesquelles elle a été reconnue responsable. Ici, Shell prévoit de réaliser la campagne sismique de juillet à novembre (pic de présence des tortues marines et des mammifères marins), c’est-à-dire avec un impact environnemental maximum.

- « La mangrove est autonettoyante ».

Lorsqu’une personne lui demande quelle innovation l’entreprise SHELL est-elle en train de développer pour mieux lutter contre les impacts d’une éventuelle marée noire, Patrick Roméo explique qu’il travaille sur les capacités autonettoyantes de la mangrove. Lorsqu’alors la question se fait plus précise, le PDG de Shell devient très évasif et laisse entendre que c’est une piste de réflexion… Rappelons que Tullow Oil avait déclaré dans un rapport précédent qu’il serait quasiment impossible de dépolluer la mangrove.

- « Les tortues ne sont pas présentes sur le plateau continental et ne sont pas sensibles au bruit ».

Lorsque des spécialistes (et notamment le WWF Guyane qui travaille sur ces espèces depuis des dizaines d’années) lui assurent qu’il y a bel et bien des tortues marines dans cette zone, et qu’on peut lui mettre à disposition des publications sur les impacts des campagnes sismiques sur ces espèces, il ignore la remarque et passe à un autre sujet.

- « Les courants marins de la Guyane, c’est un cadeau de la nature ! »

Grâce aux courants marins des Guyanes, la marée noire partirait donc au large. Pas vu pas pris… Ce que le PDG de Shell omet de préciser, c’est que ces courants marins viennent vers la côte de janvier à juin, lorsque le phénomène de rétroflexion de l’Amazone est absent. En outre, la simulation proposée par la compagnie pétrolière ne prend en compte que les 10 premiers jours après l’accident, au bout desquels la nappe se situerait à 20 km de Sinnamary. Que se passe-t-il donc au bout de 10 jours ? Par ailleurs, les courants marins, au niveau de la zone de forage, très forts et mal connus, ont entraîné l’arrêt du premier forage à plusieurs reprises l’année dernière. A noter également que les courants de profondeur peuvent circuler en sens inverse (vers l’est) de ceux de surface et aucune modélisation tenant compte de ce phénomène n’a été réalisée à ce jour.

- « En cas de marée noire, nous confinerons la nappe et nous aurons recours aux dispersants »
Ces dispersants, selon une étude récemment produite suite à « l’expérience » de Deep Water a permis de mettre en évidence des effets toxiques sur les crustacés et les poissons. La solution de Shell consiste donc à rajouter un produit toxique à la pollution. Nous voilà rassurés.

- « Nous allons accumuler de nouvelles données sur l’environnement océanique guyanais à travers notre travail».

Un auditeur de la réunion de Cayenne fait judicieusement remarquer que le consortium a stoppé les survols aériens destiné à évaluer la faune marine à la moitié de l’étude, alors que celle-ci était imposée par l’arrêté préfectoral. « C’était trop dangereux », se contente d’expliquer M. Roméo, alors qu’il n’a pas respecté la loi.

- « 160 emplois pour développer la Guyane, une formidable opportunité ».

Rappelons que le consortium a dépensé près de 400 millions d’euros jusqu’à aujourd’hui, et s’apprête à réinvestir encore jusqu’à atteindre un budget cumulé de près de 1 milliard d’euros d’investissement… juste pour l’exploration. Pour l’instant, la Guyane a concrètement profité de l’achat de plateau-repas pour l’approvisionnement de la première plate forme. Voilà qui présage des échanges équitables entre la multinationale et la Guyane, qui compte 15 000 chômeurs.

- « La société SHELL France n’a pas payé d’impôts en France depuis quelques années, elle est déficitaire ! »

Tout comme Total, Shell ne paie pas d’impôts en France. Malgré les bénéfices énormes à l’échelle mondiale liés à l’explosion du prix du baril de brut, les multinationales du secteur pétrolier ne redistribuent pas leurs profits colossaux et s’arrangent pour ne pas payer d’impôts.

Devant sa faculté de détourner la réalité pour l’adapter à son discours policé, est-il raisonnable de laisser Shell poursuivre ses recherches, dans l’optique d’exploiter les ressources naturelles de la Guyane sans contrepartie réelle, et au risque de détruire le littoral et les ressources halieutiques ?
Le Collectif a filmé quasi intégralement les deux présentations en mairie, vous pouvez voir des extraits ici