Mi-2016, l’aviation civile distribuait ses feux rouges et verts pour le projet d’installation d’un centre d’enfouissement sur le littoral. Dans son rapport, l’aviation civile rejetait la zone de Risquetout. De son côté, la loi littoral qui vient d’être votée risque d’interdire l’implantation d’une « décharge » à Macouria, là où se sont portés les choix de la CACL et une partie de ceux de Séché.

Il y a deux ans l’aviation civile avait été consultée par la communauté d’agglomération du centre littoral (CACL) et le bureau d’études Suez pour qu’elle donne son avis sur dix-neuf sites retenus comme potentiellement compatibles avec l’implantation de la future décharge du littoral. Ces sites recouvrent toute la communauté d’agglomération sur un axe nord-sud : la Césarée, Wayabo, Trois-Rois, Calumet, Banane, Risquetout ouest, Montévidéo, Marignan, et Boulanger.

Cette expertise de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) est primordiale. L’ex-dossier du Galion, avait justement dû être abandonné parce que la DGAC l’avait refusé au motif qu’il entraînait un péril aviaire, dans la mesure où les oiseaux charognards sont attirés par les ordures ; et plus on se rapproche de la piste de l’aéroport Félix Eboué, plus le risque de collision entre les avions en approche et les torches d’urubus présentes jusqu’à 1 000 mètres d’altitude, est grand.

Secteurs rejetés et acceptés

Dans des documents de juillet et août 2016 consultés par Une Saison en Guyane, l’aviation civile tranche : pour elle, il n’est « pas envisageable » d’installer un centre d’enfouissement dans plusieurs zones retenues à l’époque par la CACL, dont Risquetout ouest.

Et c’est vraisemblablement dans cette zone interdite de l’entrée de Risquetout ouest que le groupe Séché a acheté 87 hectares, dont on ne sait pour l’heure s’il veut y implanter un incinérateur seul ou un incinérateur et un centre d’enfouissement (lire nos articles précédents). Si cet achat dans une zone interdite se confirme, il s’agira là d’un sacré coup de frein porté au projet privé.

L’aérien plaçait aussi dans les zones incompatibles : Patawa, Montévidéo, Marignan, Banane. En revanche, à l’époque la DGAC donnait son feu vert pour Trois rois (Quesnel à Macouria, là où est prévu le projet de centre d’enfouissement de la CACL, ndlr) la crique couleuvre, Calumet, la Césarée (commune de Macouria) ; Boulanger (commune de Roura) ; Matiti/Wayabo et la Montagne des singes (commune de Kourou).

Les élus et services de l’Etat « totalement démunis »

Le choix de l’implantation du futur centre d’enfouissement du littoral est décidément un casse-tête. Car au-delà du péril aviaire se dresse désormais la nouvelle loi littoral. Selon un proche du dossier sous anonymat, « lorsque la ministre (des outre-mer, ndlr) est venue, elle a dit que la loi littoral serait strictement appliquée. Macouria étant dans cette zone littoral, il n’y avait plus possibilité d’[installer] ce site [Quesnel]«  ou celui de Wayabo, sur lequel Séché a jeté son dévolu.

Cette fameuse loi littoral (loi ELAN) a été définitivement adoptée par le parlement mardi. Nous avons tenté de savoir auprès de la CACL et de Séché, si le texte final donnait raison ou pas à leurs aménagements en zone dite littoral. Nous n’avons pas eu de retour ni du privé ni de l’établissement public.

Côté « services de l’Etat, élus et CTG [collectivité territoriale de Guyane]«  on est « totalement démunis » par la possibilité d’un barrage législatif, toujours de même source, « car il n’y a plus d’autres pistes que celle [de Quesnel] qui est déjà une usine à gaz ». « On est sur une loi littoral qui bloque absolument tout, même si je pense qu’on va finir par déroger à cette loi et que ça se terminera par le site [de Quesnel]« . Aujourd’hui face au dilemme, « l’État laisse faire et on préfère filer ça à des mercenaires [Séché]« , juge notre source.

Le temps presse, car à partir de 2021, 100 000 tonnes de déchets par an (soit les déchets de plus de la moitié des habitants la Guyane) vont frapper à la porte de la préfecture …

  »Aujourd’hui on a une entreprise qui sait qu’on est dans l’urgence, sous pression, et qui se prépositionne en ayant déjà acheté du foncier et espère que compte-tenu des urgences, des masses financières en jeu, elle peut passer en force. Mais l’urgence d’aujourd’hui c’est (sic) la carences d’hier, et dans les carences d’hier il y a des pierres dans les jardins de tout le monde. Ça fait trente ans qu’on parle du sujet déchets » déplore l’entourage de Patrick Lecante, le maire de Montsinéry-Tonnégrande et vice-président de la CACL.

Marion Briswalter

Illustration : l’avis de la DGAC sur les sites d’installation d’un centre d’enfouissement