Mercredi après-midi, une trentaine de riverains des pistes Risquetout ouest et est, s’est retrouvée devant le parvis de la mairie de Montsinéry-Tonnégrande pour réclamer au maire de la commune, Patrick Lecante, d’entendre les mécontentements nés de l’achat de 87 hectares de terres agricoles privées par le groupe Séché au PK1 à Risquetout ouest. Les riverains craignent l’implantation d’un projet de traitement des ordures ménagères.

Ici, « c’est une zone agricole, il y a des enfants, il y a un côté touristique, il y a les huîtres de palétuviers » énumère, sous anonymat, un maraîcher de cinquante ans, installé à quelques kilomètres du site retenu par l’industriel français. Sur les deux premiers kilomètres, la piste compterait une cinquantaine de familles, sept agriculteurs officiels, dont trois labélisés agriculture biologique. Ce lieu est « connu pour la quiétude des lieux, il y a des agriculteurs et des particuliers qui ont des petites parcelles avec un mode de vie rural » exprime un maraîcher bio dont l’exploitation se situe à cinquante pas de l’épicentre.

Pour le directeur général de « Dilo », le projet privé est une « hérésie », car il se situe à quelques kilomètres seulement de l’usine. « Nous mettrons les moyens nécessaires pour défendre nos investissements qui ont commencé en 1998″ prévient Georges Euzet, qui s’étrangle qu’ « entre Iracoubo et Saint-Georges, le seul terrain qui a été trouvé est celui proche d’une usine d’eau de source ! ».

Le temps est à la sidération depuis quelques mois dans la communauté agricole de Macouria et celle de Montsinéry. Plusieurs projets concurrentiels de centre d’enfouissement devant recevoir environ 100 000 tonnes de déchets par an pour remplacer la vieille décharge puante des Maringouins, sont à l’étude (lire notre article du 5 février), et impliquent à chaque fois des zones agricoles : Wayabo (Séché), Quesnel (CACL), Risquetout (Séché). Et pour les intéressés, il y a comme une impression de roulette russe.

La loi littoral donne un sursis à Wayabo

Si le dossier porté par la CACL suit apparemment son cours, les projections du groupe Séché environnement sont réorientées.

« Notre dossier de demande d’autorisation [d'un centre d'enfouissement des déchets non dangereux + petite usine de biogaz] à Wayabo est prêt mais nous avons suspendu son dépot du fait de la loi littoral qui (…) pose des problèmes. Elle devait être amendée [au Sénat] fin mai mais ça n’a pas été le cas » nous répond Jean-François Bigot, désormais en charge du dossier Guyane pour le groupe Séché. « Pour Risquetout, ça devait intervenir éventuellement plus tard et puis arrive ce problème de loi littoral (…) et donc on a souhaité proposer aux acteurs guyanais une solution de valorisation énergétique ».

L’industriel envisage de réceptionner à Risquetout les déchets ménagers des habitants de la CACL,CCdS et CCEG* dans un petit centre de tri, flanqué d’un incinérateur de type CSR (combustibles solides de récupération qui dégage de la fumée) pour produire « 6 à 8 MW » d’électricité pour le réseau littoral guyanais. Les déchets qui ne pourraient être ni incinérés ni recyclés seraient envoyés à Wayabo pour y être enfouis. Au cas où la loi littoral en Outre-mer demeure défavorable à Séché, pourrait-il envisager une décharge en plus du reste à Risquetout ? « Je n’en sais rien » répond JF Bigot qui affirme que le plan d’action sera plus « élaboré fin septembre début octobre « . D’ores et déjà, l’industriel table sur un dossier Risquetout prêt à être déposé auprès de la Deal, au plus tôt, « au printemps 2019″.

entrée parcelle pk1 risquetout

Patrick Lecante ouvre la commune aux déchets, mais refuse que ce soit à Risquetout

Patrick Lecante, le maire de Montsinéry-Tonnégrande, également vice-président de la CACL a fait savoir aux riverains, mercredi, qu’il ne soutient pas le projet de Séché en l’état. « Risquetout c’est non, c’est niet…  c’est une zone d’agriculture prioriaire, et le périmètre immédiat à quinze-vingt ans du développement du bourg de Montsinéry » nous répond l’entourage du maire. « Comment peut-on concilier des risques de pollution avec la présence d’habitations, dans une commune à vocation agricole, orientée sur le tourisme nature, un cadre de vie préservé ? Si le projet doit se faire ailleurs, ce n’est pas un problème. Le maire n’est pas candidat à obtenir un truc chez lui que personne ne veut. Mais si ça doit se faire à Montsinéry, il l’acceptera, mais pas n’importe comment. » Existe-t-il à Montsinéry-Tonnégrande une zone qui pourrait recevoir un complexe industriel de déchets ? « Probablement, la commune est vaste. Il est possible de trouver un site qui présente moins de difficultés et d’opposition (…) on arrive à la conclusion que c’est sur la commune que peut se réaliser ce projet [d'incinérateur]« .

Chez les syndicats J.A et FDSEA il n’est pas question d’entendre parler ni d’un cimetière à poubelles ni d’un incinérateur à côté des champs. « On ne veut pas que les terrains agricoles servent à autre chose qu’à de l’agriculture » tranche Jean-Hubert François, ex-président des JA. Jean-Marie Romany du Grage informe que le syndicat n’est « pas contre le projet. Il est inévitable ». Le secrétaire général de la FDSEA, Julien Ducat, oppose une autre vision : « On est conscients qu’il faut une décharge mais ça se réfléchit avec les citoyens les plus proches ou alors on l’installe en zone agricole non exploitable, comme il y en a vers Kourou. J’invite les élus à réfléchir avec les riverains et les agriculteurs ».

* CACL (communauté d’agglomération du centre-littoral), CCdS (communauté de communes des savanes), CCEG (communauté de communes de l’Est guyanais)

Texte et photos de Marion Briswalter

Photos 1 : Manifestation contre la décharge devant la mairie de Montsinery Tonnegrande

Photo 2 : PK1 sur la piste Risquetout