La santé constitue une des premières préoccupations exprimées par les Ultramarins lors des Assises des Outremer tenues en 2018. Ce premier numéro de Boukan présente quelques données permettant de mieux comprendre les enjeux sanitaires, nombreux et complexes.

Rassembler des données fiables sur les Outremer constitue un défi : nombre d’indicateurs sanitaires de base sont indisponibles, obsolètes ou imprécis. Ainsi, Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont absents de notre infographie. Difficile donc de dresser un tableau sanitaire pour alerter, orienter, coordonner, suivre des politiques adéquates ou évaluer leur efficacité. Les grands indicateurs existants sont régulièrement comparables, voire meilleurs que dans les territoires étrangers proches – à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon. Généralement voisine des moyennes hexagonales, l’espérance de vie est cependant sensiblement plus faible à Mayotte et dans le Pacifique.

La démographie constitue une source de variabilité : tandis que certaines populations sont très dynamiques, cumulant immigration et natalité fortes, d’autres peinent à se renouveler. Ainsi, l’équivalent de 5 nouvelles classes naît chaque semaine en Guyane, et un peu plus de 6 à Mayotte – pour un peu moins d’un par an à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les risques périnataux – durant la période englobant grossesse, accouchement et période néonatale – sont souvent prégnants : la mortalité infantile (décès avant 1 an) est deux fois supérieure dans les Drom (7,98 ‰) comparée à l’Hexagone (3,8 ‰). Les raisons de cette surmortalité, chronique depuis le début des années 2 000, diffèrent d’un territoire à l’autre : ici le manque de pédiatres et/ou de gynécologues est évoqué, là c’est l’état de santé des mères – en particulier provenant de territoires tiers comme en Guyane ou à Mayotte – ou les obstacles à leur accès aux soins.

Cet accès est très inégal pour l’ensemble des Ultramarins. Un enclavement relatif par la mer, la forêt amazonienne ou le relief (Réunion) peut entraver un recours facile ou rapide aux services de santé adéquats. De plus, toutes les spécialités médicales requises sont rarement disponibles sur un même territoire, plus ou moins tributaire d’évacuations sanitaires (EVASAN) aériennes, vers l’Hexagone pour les cas les plus délicats. Globalement pourtant, l’accès aux soins ne conditionne que pour une fraction l’état de santé d’une population selon l’Organisation mondiale de la Santé. Nombre de facteurs génétiques, culturels, socio-économiques, comportementaux et environnementaux interviennent pour déterminer la bonne santé de chacun.

SAMU-USG-12
Les maladies infectieuses restent ainsi très présentes, faute d’une gestion satisfaisante de l’eau, de l’assainissement ou des déchets notamment, favorisant la prolifération de vecteurs de maladies comme la dengue ou le chikungunya pour les moustiques, la leptospirose pour les rats.
Ponctuellement, la contamination de l’environnement constitue un autre défi, mêlant étroitement expositions et modes de vie : consommation de mercure dans les poissons des fleuves guyanais ou les gros poissons pélagiques, plomb dans le sol, chlordécone antillais, trémolite (amiante) néocalédonienne sont emblématiques. Nombre de facteurs environnementaux restent mal caractérisés en Outremer, notamment quant à la qualité de l’air et de ses contaminants (particules, pollens, moisissures…), facteurs de maladies respiratoires ou circulatoires notamment…
Ainsi, les départements français d’Amérique souffrent régulièrement des effets des brumes de sable, tandis que l’incidence de l’asthme à la Réunion est près de 3 fois supérieure à celle de la France Hexagonale, les causes restant à caractériser précisément.
Les facteurs comportementaux, la modification des habitudes de vie entraînent un essor rapide des maladies chroniques. L’alimentation est souvent trop riche en sucre et trop pauvre en fruits et légumes frais. S’y ajoutent une sédentarité croissante et un manque d’activité physique, concourant notamment à une progression très forte de l’obésité et du diabète ainsi que des maladies cardio-vasculaires : en 2014, en Polynésie française la prévalence du surpoids était de 69,9 % et à Wallis et Futuna de 87,3 % (contre 48,9 % dans l’Hexagone), selon un rapport de la Cour des comptes. À la Réunion, le diabète frappe deux fois plus qu’en métropole, les Antilles cumulant l’un et l’autre fléau. Ceux-ci frappent plus durement les couches sociales déjà moins favorisées, cumulant les inégalités en leur défaveur.
Enfin, conduites à risques et addictions (alcool, tabac, cannabis) touchent plus particulièrement certains territoires, les drogues de synthèse ayant également fait leur apparition. Individuellement ou collectivement, des efforts significatifs restent à accomplir pour permettre aux Outremer un avenir en meilleure santé.

Texte de Dominique Maison
Infographie de Studio Aperçu
Photo Marin Talbot