Nicola Lo Calzo est photographe et sa photographie est à la fois documentaire et “ plasticienne ”. Né à Turin en 1979, il vit et travaille à Paris, mais son regard s’est tourné depuis 2008 vers l’Afrique et ses diasporas. Le projet CHAM, consacré à l’héritage et aux mémoires vivantes de l’esclavage et des luttes antiesclavagistes, l’emporte ainsi d’une rive à l’autre de l’Atlantique Noir. Son « passage du milieu » ne pouvait pas ne pas l’amener sur le plateau des Guyanes, où sont installés, par la victoire des armes, les Bushinengés depuis le 18e siècle. Aujourd’hui, les sociétés bushinengées issues du marronnage (Saamakas, Ndjukas, Alukus, Matawaï, Kwinti et Paamaka), par leurs langues, leurs rituels, leurs pratiques culturelles et leurs savoirs, « témoignent de leur capacité à avoir su préserver une culture de résistance. »
« Le travail photographique Obia, réalisé au pays Saamaka et sur le Maroni, interroge les liens entre l’exceptionnel patrimoine magico-religieux des Bushinengués et les nouveaux défis de la modernité, l’acculturation en acte parmi les nouvelles générations et son contrepoids, la déculturation. Il pose aussi une réflexion sur les connexions entre le marronnage historique et les enjeux de l’immigration contemporaine, entre les mémoires de la période coloniale et les accommodements du présent postcolonial. » Le propos de Nicola Lo Calzo ne réduit pas l’être à son origine sociohistorique, mythologique ou symbolique, le forçant à n’être qu’une perpétuelle incarnation d’un moment de son histoire collective, le “marron éternel”. Il décrypte les processus de patrimonialisation et de folklorisation, et, loin de se laisser enfermer derrière les entrelacs du Tembé, le photographe restitue dans toute sa contemporanéité le quotidien des personnes avec lesquelles il a vécu. Dans cette série, nul Tembé chatoyant et exotique, mais la blonde et swagg Marylin Monroe, la “pourpre” des évangélistes, et des portraits insaisissables derrière le voile de la forêt. Simon Njami écrivait ainsi dans sa préface à Obia : « Lo Calzo fait ici de la photographie de marron. C’est-à-dire qu’il s’inscrit dans une clandestinité fraternelle qui lui permet de se fondre dans le décor et d’en rapporter la quintessence de ce qui n’est pas visible à tous. Il a su donner un mouvement subtil à ce temps arrêté. »

Texte de David Redon