On est plus habitué des photos satellites de la Guyane que de ses vues microscopiques. L’infiniment petit renseigne cependant tout autant que les vastes espaces forestiers décrits depuis l’espace.

En la matière, la Guyane dispose d’un outil scientifique méconnu et puissant : le Microscope électronique à balayage environnemental (MEBE) qui permet de réaliser des observations à des grossissements allant jusqu’à un million. Financé conjointement par l’Europe et le Cnes, cet outil est unique en Guyane et bien au-delà. Secrètement gardé par le laboratoire des Matériaux et molécules en milieu amazonien (L3MA), implanté sur le site universitaire de Troubiran, à Cayenne, et intégré à l’Unité mixte de recherche (UMR) ECOFOG, l’outil permet au L3MA de plancher sur des problèmatiques guyanaises.
En véritable laboratoire appliqué, le L3MA mène des recherches avec le souci d’une application concrète. Et sa maxime est claire : tenter de trouver des solutions scientifiques locales à des problématiques locales. Pour cela, le labo intègre des démarches bio-inspirées et valorise les « produits » (molécules et bactéries) de la forêt amazonienne.
Trois axes de recherches excitent les chercheurs. D’abord, l’étude de la corrosion et des inhibiteurs naturels amazoniens. En clair, les scientifiques tentent de trouver des molécules naturelles susceptibles de ralentir ou stopper la corrosion. Une thématique essentielle pour les constructions métalliques locales. Et sous ses airs retors, le but est d’augmenter la durée de vie de matériaux métalliques qui sont essentiellement conçus, aujourd’hui, pour les pays à climat tempéré. Une fois isolées, ces molécules naturelles peuvent être incorporées dans divers produits comme les peintures.
Autre marotte du labo, l’étude des phénomènes de biocorrosion. Celle-ci permet de comprendre comment des micro organismes – comme des bactéries – participent activement à la corrosion de structures métalliques et accélèrent fortement la dégradation d’ouvrages d’art, comme le pont sur la rivière Cayenne. A terme, on pense trouver des remèdes naturels, par le biais de molécules actives, qui vont combattre la formation du biofilm sur la structure à protéger.
Enfin, le L3MA est en pointe sur les piles à combustible microbiennes. Et oui, les organismes microbiens qui nous entourent pourraient tout aussi bien alimenter nos téléphones portables. En se nourrissant de déchets organiques (effluents urbains, déchets de bois…), certaines bactéries ont la propriété d’être électro-actives : leur métabolisme conduit au « largage » d’électrons. Ceux-ci peuvent être alors récupérés pour créer des piles microbiennes. Cette technologie, récente, s’inscrit dans le développement des énergies alternatives, dites propres et durables et pourrait révolutionner nos besoins en énergie autonome.
Et pour mieux comprendre le fonctionnement de ces organismes infiniment petits, qui peuvent nous rendre autant de service que l’énorme fusée Ariane 5, rien ne vaut une observation rapprochée. Les photos qui suivent montrent le panel des possibilités de ce précieux outil.