En 2011, à la question “des vols habités décolleront-ils un jour de Kourou”, le truculent directeur de l’Agence spatiale européenne Jean-Jacques Dordain répond, souriant : « Il n’y a pas de projet, mais nous n’avons pris aucune décision qui pourrait l’empêcher ! » Et c’est précisément parce que rien n’a tué ce rêve qu’en 2048 il est tangible en Guyane !
Les enjeux climatiques ont considérablement renforcé le rôle stratégique du spatial, tant pour l’observation de la planète que pour la quête de nouvelles ressources, et donc fléchés des milliards d’euros vers le développement des projets spatiaux, y compris les vols habités.
Logiquement, de part sa situation géographique idéale, le Centre spatial guyanais (CSG) est en 2048 le cœur de cette intense activité mondialisée.
Lynda Obydol, responsable de communication, se projette avec précision : « En 2048, le CSG est une Space valley où sont regroupés un port spatial, un centre de recherche, un campus universitaire, une zone industrielle et une pépinière d’entreprises développant des applications au service du développement durable. »
Son collègue Jérôme Hantz, ingénieur informatique, l’assure : à cette date, « le CSG fait décoller 3 types de lanceurs : Ariane 8, Ariane 8+ et Ariane 8++. Et c’est la version 8++ qui permet de transporter la navette spatiale Athéna, aux objectifs très voisins du projet Hermès abandonné lors du programme Ariane 5 », vers ses missions d’exploration spatiale. Des spationautes décollent donc régulièrement de la savane de Kourou, même si l’activité de mise en orbite de satellites reste prédominante. « La version Ariane 8+ qui permet d’envoyer entre 4 et 10 satellites en orbite géostationnaire et la version 8, très légère, destinée à la mise sur orbite basse de plusieurs satellites », assure Jérôme Hantz.
Sur le terrain guyanais, le CSG s’est considérablement développé et héberge « 3 zones de lancements », assure ce cadre en exercice. Et d’ajouter que la base spatiale de 2048 s’étend « au-delà de la côte maritime pour la réception des étages réutilisables des différentes variantes d’Ariane 8 ». Des plateformes de récupération permettent à certains éléments des fusées d’atterrir à la verticale après utilisation, ils sont ensuite réacheminés par bateau sur le littoral.
Les technologies de récupération des étages de propulsion des fusées sont désormais éprouvées, comme la réutilisation des moteurs Vulcain, qui reviennent sur Terre après chaque lancement. Séparés du corps de la fusée, ils reviennent sur Terre comme des avions, guidés par le fuselage et les ailettes qui les enserrent, après un long vol plané. Ils font désormais jusqu’à 10 allers-retours entre le sol et l’orbite terrestre avant d’être entièrement recyclés.
Les rendez-vous automatiques dans l’espace, inaugurés dans les années 2010 avec le cargo européen ATV lancé vers la Station spatiale internationale (ISS) depuis Kourou, sont la clef de voute de nouveaux horizons spatiaux.
Les satellites et vaisseaux spatiaux sont propulsés en orbite vers des éléments de fusées réutilisables qui les attendent. Une fois « dockés » sur leurs nouveaux transporteurs, ils sont routés vers leurs orbites définitives, voire propulsés au-delà. Ces fusées s’alimentent en énergie auprès des stations solaires qui gravitent autour de la Terre.
De fait, les missions habitées sont régulières et se sont intensifiées entre la Terre et la Lune, et désormais sur Mars, devenue une avant-base des voyages aux limites du système solaire en préparation.
Dans le port spatial guyanais, les ingénieurs du monde entier viennent se former à l’Université Spatiale de Kourou pour maîtriser la technologie des vols habités longue durée vers l’ISS, le village lunaire et la nouvelle station martienne. La plupart des allers-retours vers Mars se font désormais au départ du CSG. Les spationautes sont d’ailleurs désormais intégralement formés en Guyane, où plus de 35 000 personnes travaillent directement dans l’industrie spatiale. La vallée du Maroni, alimentée par des fermes solaires, accueille les usines de fabrication de la future navette Athéna II, qui devrait quitter le système solaire autour de 2055.

Texte de Jérôme Valette
Illustration Tyseka Castor,Marc Delorme