Cette vie, Jace l’a fantasmée pendant son adolescence. “Aujourd’hui, je vis de ma passion”, sourit-il. L’âme juvénile ne semble pas avoir quitté ce Havrais de 49 ans. Avant, il rêvait de vivre du graff. Aujourd’hui, il rêve de peindre la prochaine fusée qui partira dans l’espace. Plus fou encore, “de peindre sur la lune”. Les pieds sur terre, il pondère néanmoins : “J’aimerais beaucoup aller graffer en terres australes”. Une destination plus plausible pour le passionné de voyage. L’artiste a déjà déposé son empreinte de Paris à Tokyo en passant par Tchernobyl et Mumbaï. Indissociables de son travail, ses périples sont “une grosse inspiration”.

Du blaze au gouzou

Qu’importe où ils sont graffés, les gouzous sont compris de tous. Du haut de leurs 30 ans fêtés l’an dernier, ils sont “universels” comme les qualifie leur père. Les personnages n’ont pas pris une ride. Seule leur couleur “un peu bâtarde” a légèrement évolué jusqu’au “crème bronzée et métissée”, un clin d’œil à leur terre de naissance, La Réunion. Asexués et non genrés, les gouzous sont reconnaissables entre mille. Ils n’ont ni pied, ni main, ni visage. “Ce sont juste des humains”. Des gens, comme signifie le mot inventé par un copain de Jace au lycée. Parfois peints dans des saynètes, ces protagonistes relèvent de la satire, tout au moins de la dérision. “Ils ne sont pas donneurs de leçons”, insiste le chef du gouzernement. Ils ont plutôt vocation à ouvrir les portes de la réflexion. “Ils sont écolos et féministes, mais ne sont pas irréprochables, comme nous”. Les gouzous reflètent-ils alors qui nous sommes ? “Ils sont un miroir pour les gens”, considère Jace. “Ils n’ont jamais eu de visage. À l’origine, c’était surtout par souci d’efficacité, et finalement, je n’en ai jamais rajouté pour laisser place à l’imaginaire”, ajoute-t-il.
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