Lorsqu’on me parlait de Maripasoula je pensais à un village enclavé, isolé entre la forêt et le fleuve Maroni où les rares voyageurs allaient se perdre dans une nature sauvage et difficilement accessible. Avec mon gros sac à dos, je m’y suis donc rendue.
Il est 9 h 25 quand l’avion d’Air Guyane atterrit à Maripasoula, commune de 10 000 habitants. Un avion comme nous n’avons plus l’habitude d’en voir, d’une capacité de seulement 17 passagers. « Les gens disent que le tarif est trop cher mais le prix du billet aller est d’une quarantaine d’euro, il faut ensuite compter environ 20 euros de taxes, explique Christian Marchand, le président d’Air Guyane, le prix normal pour cette distance et le nombre de passagers est bien plus élevé. C’est la collectivité et l’État qui financent la différence. Avec l’augmentation du trafic, la collectivité n’a plus les moyens, il faut aujourd’hui réfléchir à des solutions si on ne veut pas augmenter le prix des billets. Ce n’est pas normal que les Maripasouliens aient besoin de prendre l’avion pour faire leurs courses, pour se faire soigner, pour aller au lycée ! »
Je fais un tour dans la ville. Je croise, amusée, de nombreuses voitures. « Les habitants de Maripasoula font venir des voitures par le fleuve », m’avait informée mon voisin dans l’avion. Principalement des 4×4, utiles pour accéder aux nombreux abattis qui entourent la ville.
Après avoir fait un tour à l’office de tourisme où je suis accueillie par Margaux Bachelier, la présidente, je vais profiter du point de vue du Saut des Pères. Devant le fleuve, je profite du bruit des remous et j’observe avec curiosité les maisons sur pilotis très colorées qui font face à Maripasoula. Cette petite ville du Suriname est surnommée Albina 2. De la musique bruyante est portée par le vent. Je n’aurai hélas pas le temps de visiter cet endroit.
Je savoure ensuite la tranquillité du Terminal, le lieu d’hébergement où je séjourne dans un carbet avec vue sur le fleuve. Je discute avec Richard Gras, le gérant. « Ce qui m’a attiré ici c’est tout ce qu’il y a à découvrir et à apprendre. Un jour, quand j’étais prospecteur, un gars originaire de St-Lucie m’a fait “goûter la terre”. Selon le type de terre on peut savoir s’il y a de l’or. Les gens que j’ai rencontrés ont une grande richesse à transmettre, une culture, des connaissances et sont attachants, fraternels. »
Autre possibilité de logement à Maripasoula, le O’Bungal’eau, ouvert en juin 2016. « Quand j’ai écrit le projet, il avait trois axes. L’hébergement en hamac ou chambre. Des animations et des festivités. Et, surtout, la découverte de l’art traditionnel aluku que ce soit des objets, de la vannerie et des vêtements », dit Fernand Bakaman, le gérant, en me montrant justement une table en bois traditionnelle. « Je veux mettre à disposition une proximité familiale ainsi qu’exposer et expliquer aux clients notre culture et nos savoirs. » La communauté aluku est très présente dans la commune ainsi que les wayana et les créoles. Mais il y a aussi une forte proportion de brésiliens, surinamais, haïtiens, péruviens et métropolitains.
Afin de bouger un peu, j’enfourche le vélo que j’ai emprunté à l’office de tourisme et je me rends jusqu’à l’entrée du sentier de la crique Daouda qui se parcourt les pieds dans la gadoue en saison des pluies. Durant la marche je suis partagée entre l’appréhension et l’envie de croiser un serpent. Boa de Cook, serpent chasseur… y sont régulièrement aperçus.
Finalement, je n’aurai la chance de rencontrer que quelques grenouilles et de beaux papillons colorés. L’association Jungle by night propose aussi de découvrir ce sentier de nuit. « Il s’agit de découvrir la nature autrement. L’idée est d’aborder différemment la forêt. Nos sens sont plus attentifs. Les arbres paraissent plus grands, m’explique Fabien Pons-Moreau le président de cette association qui a été créée il y a à peine trois ans. Les gens participent aux sorties de nuit pour se confronter à leurs peurs et voir des animaux plus facilement. Il y a des moments de poésie comme lorsqu’on a croisé un colibri immobile, endormi sur sa branche mais aussi de peur lorsqu’on passe juste à côté d’un serpent. »
Dimanche, réveil à 9 h pour prendre la pirogue en direction des cascades. Les canoës sont installés avec nous sur l’embarcation, avec lesquels nous redescendrons au retour jusqu’à Maripasoula, en se laissant porter par le courant. Je scrute les berges, attentive, et là soudain, une loutre géante ! Elle se dore au soleil juste à notre gauche, allongée sur un tronc. Nous stoppons le moteur et nous allons l’admirer de plus près. Elle saute alors dans l’eau, nous laissant un agréable souvenir.
Après une courte marche où les morphos, ces papillons aux ailes bleues étincelantes, nous accompagnent, j’entends un grondement. Les cascades se profilent. Hop, en maillot de bain et un tour sous l’eau glacée. Un lieu apaisant, dépaysant. Tristan Bellardie, président du club de kayak Maripasoula Lawa, décrit : « Nous proposons plusieurs circuits : les cascades, l’Inini, la descente vers Wacapou avec un retour en VTT, un séjour d’une nuit près du saut Simayé dans un carbet que nous avons nous-même construit. Depuis quatre ans, le club a pris une nouvelle dimension en proposant une offre touristique. Nous finançons grâce à cette activité un emploi permanent sur la base nautique. Karl Alimanhé, un jeune wayana, a été le premier salarié. Le tourisme à Maripasoula peut donc être une réalité et surtout une réalité économique avec un emploi stable ».
Autre possibilité pour les sportifs : les balades à VTT. Il faut tout de même faire attention à ne pas s’y rendre à l’heure la plus chaude. Je perds une grosse quantité de sueur sur le parcours des sables blancs, entre le soleil et les montées parfois un peu pentues. Mais les paysages sont beaux et je rentre avec le sourire.
Pour me remettre de ma journée, je me rends chez Madame Dédée. Cette femme indépendante avec une forte personnalité me raconte ses souvenirs pendant que je sirote un petit punch dont le sirop de canne a été fait maison. Mémoire de la ville, elle me confie des anecdotes touchantes sur son enfance, sa famille et son parcours jusqu’à aujourd’hui où elle tient depuis plusieurs années un restaurant et un hôtel dans le centre de Maripasoula. « Les gens sont accueillants, tout le monde dit bonjour. Les touristes peuvent se sentir à l’aise. La vie ici est difficile, je suis fatiguée, mais il y a beaucoup d’entraide. J’ai tout construit de mes mains, heureusement il y avait les habitants d’ici pour m’aider. »
Son témoignage fait écho à mon expérience du samedi soir. Les maripasouliens sont de sortie, les bars se remplissent, leur musique anime les rues, les gens se promènent autour du château d’eau. Stéphania, une petite fille de trois ou quatre ans, s’approche pour jouer. Elle crie, rit, tourne autour de moi. Son père la surveille amusé un peu plus loin. Chacun y va de son “ bonsoir ”. Les conversations démarrent facilement. « On propose toujours aux touristes de se joindre à nos activités s’ils veulent. Quand on fait des animations sportives, des pique-niques, qu’on va sur l’ile en face de Maripasoula pour se baigner et faire des grillades. Il suffit de passer au bar et demander ce qui se passe le lendemain », m’explique simplement Étienne Kouakou, gérant du Real Bar depuis 14 ans. On ne va pas seulement à Maripasoula pour une bouffée de nature mais aussi pour découvrir une ville à part, qui ne ressemble à aucune autre en Guyane.

 

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Maripa-Soula
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Ouvert le lundi de 9 h à 13 h
et du mardi au samedi de 9 h à 13 h
et de 15 h à 17 h
Tél : 05 94 37 15 09
Email : info@maripasoula.fr
Web : www.maripasoula.fr

Texte de Sylvie Nadin
Photos de Pierre-Olivier Jay