Longtemps gangrénée par l’orpaillage illégal, isolée de tout et abandonnée par ses propres habitants, la commune la plus oubliée de Guyane s’est lancée dans un ambitieux projet de repeuplement. Reportage.

C’est souvent l’une des dernières qui nous manque. Quand on se met à recenser les vingt-deux communes que compte la Guyane, Saint-Elie n’est pas du genre à être citée la première. C’est plutôt celle qu’on a sur le bout de la langue, dont on connaît l’existence mais qu’on a tendance à oublier. Et pour cause. Plus personne ou presque ne met les pieds là-bas. Il faut être maire, gendarme ou orpailleur, pour aller voir ce qu’il s’y passe. Et s’armer de temps, et de patience. Techniquement déjà, la seule route d’accès est strictement fermée à la circulation. Ce chemin sinueux de 27 km creusé entre savane et forêt permet normalement aux seuls agents d’EDF d’accéder au barrage de Petit Saut depuis la RN1. Mais passons. Il s’agit ensuite de trouver un canot pour traverser le lac et atteindre, au bout d’une bonne heure et demie de slalom entre les arbres morts engloutis par le barrage, le débarcadère du PK6. Pour, enfin, terminer en quad ou en 4×4, et avaler 26 km de piste défoncée qui mènent au fameux bourg abandonné.
Ce jour-là, surprise : on croise une petite équipe de quatre personnes embauchées par la mairie de Saint-Elie pour s’occuper des espaces verts. Les vêtements souillés par la latérite, les regards fatigués, les gars sont « heureux » de voir arriver la pirogue qui va les ramener « dans la vraie vie. » Comme le souffle le plus jeune d’entre eux, le visage caché derrière une paire de Ray Ban bien trop clinquante pour être vraie : « C’est pas trop tôt. Si vous saviez comme j’suis content de vous voir ». On sent que le cri vient du cœur. Debout sous la pluie, les bottes noyées dans la boue, la clope dans une main, la tasse de café dans l’autre, le jeune homme laisse échapper un grand soupir de soulagement. « Ça fait deux semaines que j’ai vu personne. Un jour de plus et je pétais un câble », lâche-t-il. Bienvenue à Saint-Elie ! Où le maire, Charles Ringuet, espère bâtir un nouveau site agricole, artisanal, industriel… et touristique.

« Avant, il y avait des filles partout! »
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