Si de nos jours les amérindiens Wayampi chassent majoritairement au fusil, longtemps  l’arc fut l’arme de prédilection. Sa confection et son utilisation se raréfie dramatiquement aujourd’hui, mais quelques artisans, comme Renaud Sakeu et Jean Baptiste Bretreau à Camopi continue à faire perdurer cet art ancestral.

Réalisé dans un bois dur et sombre, nommé sans surprise ‘bois d’arc’ *, l’arc possède des encoches de corde à chaque extrémité, taillées directement dans le bois. C’est un arc droit dont la longueur correspond à la taille de son propriétaire. D’une manière générale les amérindiens sont de petite taille et les arcs mesurent environ 1,6m. D’abord façonné à la hache, le bois d’arc prend ensuite sa forme grâce à la lame d’un bon vieil opinel plus facile à manier et plus précis qu’une machette. Quant à la finition pour bien polir l’arc, c’est une mâchoire de Pecari * qui a toujours la préférence des Wayampi. Pour ce qui est de la corde (sorte de chanvre) *  elle est composée de 4 brins torsadés.

Si le bois d’arc est bien le même pour l’arme de chasse et celle de pêche, puissance et taille diffèrent, car en effet la pêche-arc nécessite peu de portée. Le contraste avec la longueur des flèches * est frappant. Ces dernières mesurent près de 1,5m d’un bois tubulaire très léger, une sorte de roseau. En définitive la flèche est aussi longue que l’arc lui-même. L’intérieur du tube composé de fibres tendres rend très simple l’insertion de la pointe. Celle-ci faite d’un robuste bois clair de 15 cm que les Wayampi sculptent de multiples manières selon la destination : simple, trident, barbillon, foëne, ou en succession de 4 à 6 dents asymétriques. Les pointes en métal sont semble t’il utilisées également. Dans des temps plus reculés, certaines pointes étaient constituées traditionnellement d’un dard de raie.Pour terminer, la fixation de la pointe est complétée par une soigneuse ligature.

A l’autre extrémité se trouve l’encoche qui consiste en une incision dans le fût. L’empennage est réalisé avec des plumes larges. Exit les toucans et autres haras, la préférence va aux plumes de Hocco ou d’aigle, l’esthétique venant après l’efficacité. Néanmoins une touche de couleur assurera la finition (petites plumes de toucan). Les plumes sont solidement ligaturées légèrement de biais sur la hampe afin d’assurer un mouvement hélicoïdal de stabilisation gyroscopique de la flèche en vol. C’est le coton filé localement par les femmes qui sert à ligaturer, tandis qu’une résine d’arbre couleur acajou* vient poisser les épissures. Pour la pêche à l’arc les flèches sont exemptes de plumes car il faut privilégier la vitesse … et non la flottabilité aérienne ou aquatique. La hampe peut alors être décorée à l’aide de teinture de genipa, une encre bleu-noir extraite d’un fruit. Assurément la flèche amérindienne combine fluidité, élégance, et efficacité.

C’est donc cet arc que les Wayampi utilisaient pour chasser les oiseaux et le gros gibier avant que le fusil ne s’impose car plus efficace et rentable. Quand bien même la chasse à l’arc à l’affût pour les oiseaux a résisté plus longtemps. Au Brésil par contre c’est différent car les amérindiens n’ont pas le droit d’avoir de fusil. C’est ainsi plus facile pour le gouvernement de progressivement réduire leurs territoires et les anéantir sans trop de résistance (2).

Quant à la pêche à l’arc , elle se pratique surtout lors de la saison sèche, lorsque le niveau du fleuve est bas et donc le poisson une cible bien visible, n’ayant de surcroît que peu d’espace de fuite. Pour autant il n’est  pas si simple de faire mouche attendu que les lois de la réfraction dans l’eau commandent une visée corrigée (‘sous’ le poisson, considérant qu’il plus près de nous) qui dépend de la profondeur et de l’angle par rapport à la surface.

Chez les Wayampi il existe une variante qui est la technique de la nivrée, ou poison dégagé par une liane,  ce qui force les poissons groggy à remonter vers la surface. Il est alors aisé de les harponner ou les attraper. A l’instar du fusil pour la chasse, ce sont surtout les filets et cannes qui ont sonné le glas de l’arc traditionnel pour la pêche.

L’heure du dernier (archer) des Wayampi semble bien annoncée. Evidemment l’arc n’est qu’un détail alors même que les vêtements de marque remplacent l’authentique Kalimbé, que les boites de cassoulet concurrencent la chasse, même au fusil J’ai eu la chance de rencontrer la mémoire de cet art ancestral en les personnes de Renaud Sakeu et Jean-Baptiste Breteau, tous deux artisans et facteurs d’arc à Camopi, héritiers d’une tradition qu’ils ne transmettent malheureusement plus. Cela n’intéresse pas les jeunes et qui plus est le bois d’arc est rare, il faut s’enfoncer profondément en forêt pour le trouver.Alors qu’à la fin du XXe siècle tout homme trentenaire savait encore tailler un arc et façonner ses flèches,  peu nombreux sont aujourd’hui les Wayampi qui possèdent encore un arc, et plus rare encore ceux qui savent s’en servir pour chasser et pêcher.

Il n’est pas exagéré de dire qu’en Guyane, vous verrez assurément plus d’arc à Cayenne chez les chinois que dans les villages amérindiens. Aujourd’hui de toute évidence les arcs ne sont de sortie que pour les jeux de la fête annuelle qui se tient en juillet (danse traditionnelle, course de pirogue, et tir à l’arc). On peut légitimement se demander si cela est suffisant pour éviter qu’ils ne disparaissent, si ce n’est des livres et autres médias d’archive.

Technique

La technique de l’arc amérindien peut être résumée ainsi :

  • L’étonnante prise de corde, ou Kulawa, avec la pince pour l’embout, les majeurs et annulaire crochetés, et la 3eme phalange (distale)  de l’auriculaire en appui.
  • La mise sous tension, main de corde à l’œil.
  • A l’instar de tous les arcs nus, l’arc Wayampi n’a pas de repose flèche ; L’archer guide la flèche avec son index.

En langue Wayampi :

  • Bois d’arc : Païla
  • flèche : Wilapa
  • pointes : Tarakoua i
  • corde : Kulawa
  • Résine : Iuwa

* Le Pecari (Paquira pour les amérindiens) est une sorte de sanglier. Son nom signifie ‘cochon sauvage’

Conte et légende Wayampi

Conte Wayampi sur les origines de l’arc :

Les Wayampi content que les premières flèches furent offertes à des enfants par les fils du soleil dont elles sont les dards. Lorsqu’un chasseur achève la confection d’une flèche il  la pointe vers le ciel sans la lâcher à l’aide de l’arc bandé à son maximum. C’est une marque de reconnaissance à l’astre solaire bienfaiteur. Cela n’est pas sans nous rappeler notre mythologie grecque avec le dieu de la clarté solaire, Apollon, qui est aussi la divinité des arts et des archers.

Conte Wayampi :   Kumaka Pokũ  – L’esprit du Fromager *

Plusieurs chasseurs Wayampi disparaissent. ‘Rassemblons nous ce soir pour aller mettre le feu au fromager’ disent les Wayampi. Les hommes fabriquent alors les flèches et les haches, tandis que les femmes préparent des fumigènes. Elles les allument discrètement au pied du fromager. Dabord sortent des chiens que les amérindiens adoptent. Puis sort le mauvais Géni qui se trouve criblé de flèches par les vaillants archers Wayampi.

‘Ya’e pia Kumaka simõẽdi e’i pawĩyẽ kupanũ. Tekokekũ amẽ paila, wilapa, yi la’i oesa elaa kupa, waĩwĩngekũ amẽ ka’alo piye mã’ẽ yawile sipi keyau oesa-oesa  elaa kupa, õwẽ Kumaka …’

* Le Fromager est un arbre imposant par sa hauteur (plus de 40m) et ses larges racines en contrefort. On le nomme aussi Kapokier ou arbre à Kapok (bois coton). Chez les amérindiens Wayampi il est sacré et permet de communiquer avec les esprits.