Le long du fleuve-frontière Oyapock, ils sont quatre, qui garantissent l’accès au soin des habitants de ces communes qu’on qualifie d’isolées. À Saint-Georges bien sûr, mais aussi à Camopi et Trois-Sauts sur le haut du fleuve, et à Ouanary, à l’embouchure. Rattachés à l’hôpital de Cayenne depuis 2000, les Centres Délocalisés de Prévention et de Soins (CDPS) sont la cheville ouvrière de la santé publique dans l’intérieur, le lieu de rencontre entre populations et personnel médical.

Chaque semaine, une grande pirogue métallique affrétée par le Centre Hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) remonte le fleuve pendant environ cinq heures, jusqu’à Camopi. Une semaine sur deux, elle poursuit sa route le lendemain : selon le niveau de l’eau, il lui faut un ou deux jours pour atteindre Trois-Sauts, le groupement de villages amérindiens Wayãpi situé à la pointe sud-est de la région. C’est sur l’une de ces pirogues que nous avons embarqué en février dernier. À son bord, outre le matériel destiné aux CDPS — caisses de médicaments, glacières de vaccins, carburant pour les groupes électrogènes… —, les patients de retour de Cayenne côtoient les médecins et infirmiers qui viennent prendre un poste sur le fleuve.
Derrière nous, Philippe, jeune médecin arrivé en Guyane quelques jours plus tôt, a le nez plongé dans le récit de l’explorateur Raymond Maufrais, disparu en Guyane en 1950. C’est la deuxième fois qu’il vient en Guyane, la première dans l’Est : Philippe assure un remplacement de quelques semaines à Camopi.

Un séjour trop bref, déplore-t-il en expliquant : « Pour être performant, il faut rester ». Marc, médecin en mission à Camopi, abonde dans son sens : « Un contrat de trois mois, comme le mien, c’est un peu court : c’est le temps qu’il te faut pour t’habituer à la population et prendre tes marques. »
Le centre de santé, juché sur une langue de terre au bas de laquelle la rivière Camopi rejoint l’Oyapock, accueille six personnes : deux médecins, deux infirmiers, un agent d’entretien et une secrétaire. Ici, on fonctionne en groupe : les repas se prennent souvent en commun, on prend l’apéro sur les terrasses des logements de fonction et toute l’équipe profite de la pirogue de Benoît, infirmier résidant à Camopi, pour se ravitailler à Vila Brasil — le groupement de maisons situé sur la berge voisine, côté brésilien, et dont l’existence légale a été reconnue en 2011. On est « fonctionnaire sans le savoir », lance-t-il dans une formule qui résume à la fois le cadre de vie, et celui du travail.
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