Si l’histoire de la Guyane est souvent associée au bagne dans la mémoire collective française, elle recèle d’autres périodes aussi importantes, comme les guerres entre amérindiens et colons ou l’esclavage. Face au manque d’ouvrage de vulgarisation historique, les éditions du Signe publie une BD dessinée par Olivier copin et scénarisée par Dennis Lamaison.

Combien de temps ont été nécessaire pour réaliser cette BD en plein confinement ?

Olivier Copin: Le confinement nous a presque rendu service, nous avons réussi à faire nos 48 pages en 5 mois, presque 6. Ca voulait dire plus de 12h/jour pour moi, heureusement que ma famille a été compressive et patiente !
Dennis Lamaison : Je confirme, c’était un temps plein. On a terminé épuisé. Mais, si cela a fonctionné, c’est qu’on était bd-compatible avec Olivier : on a donc vite trouvé notre vitesse de croisière.

Quelles sont les étapes de réalisations, côté graphique, coté scénario ?

O. C. : La plus grande difficulté a été de mettre en image des évènements donc on n’a aucune trace graphique ou écrite. On a fait beaucoup d’allers-retours mais Dennis était un guide très précieux. Pour le style, j’avais décidé dès le début de garder un dessin semi-réaliste qui ancrerait dans la réalité tout en gardant le coté ludique de la BD.
Nous voulions que celle-ci reste agréable à lire.
D. L. : J’ai d’abord proposé un synopsis à l’éditeur et Olivier pour voir où on allait. Ensuite, le scénario s’est fait au fur et à mesure de l’avancé du dessin. Quelquefois, j’avais une ou deux planches d’avance, mais il est arrivé qu’Olivier me rattrape. Ca ressemblait beaucoup à un match de tennis : je lui envoyais le scénar d’une page, il me renvoyait des croquis, j’écrivais mes dialogues, il me répondait par un découpage en cases, on s’adaptait au style de l’autre…

Est-ce qu’il y a selon vous un manque sur les ouvrages présentant l’histoire de la Guyane ?

O. C. : Il me semble surtout qu’on connait très peu cette histoire, il y a eu encore de belles découvertes il y a peu… Bernard Montabo avait fait un livre sur l’histoire de la Guyane, 2 tomes, chez Orphie je crois. Par contre, il n’existait rien de tel en BD.
Toute tentative d’écriture sur l’histoire prend le risque d’une certaine ré-écriture, je crois, et c’est là que Dennis a été très bon ! Il a traité toutes les périodes avec la même impartialité.
D. L. : Il y a clairement un manque d’ouvrages d’histoire de qualité. La période qui a été la mieux défrichée, est celle du bagne. Il faudrait maintenant faire la même chose pour l’histoire de l’esclavage, l’histoire amérindienne et l’histoire des femmes.

Comment avez-vous choisi les épisodes historiques qui vont apparaître dans ces 48 pages ? Y a-t-il des moments historiques que vous vouliez particulièrement remettre en lumière ?

O. C. : Là c’est vraiment Dennis, le scénariste, qui s’est occupé de tout. J’ai laissé faire la tête, je n’étais que les mains.

D. L. : Plus que des épisodes historiques, j’ai choisi des personnages qui me permettait de raconter des histoires et d’établir une certaine continuité : c’est ainsi le cas pour le père Fauque, les Leblond, ou encore Monnerville. Pour les moments historiques, j’en ai choisi des connus (l’expédition de Kourou, l’affaire Galmot, le bagne…) et d’autres beaucoup moins, voire pas du tout (les guerres entre Amérindiens et Européens, les insurrections de la période révolutionnaire, les tentatives d’installation des Bonis sur l’Oyapock, le sort des engagés…).

Quels difficultés particulières avez-vous rencontré pour cette réalisation ?

O. C. : C’était un sacré défi, passionnant mais un peu effrayant… On en a pas mal parlé avant de nous lancer, même si l’idée nous tentait beaucoup. Le plus dur a été le manque de temps et la contrainte du nombre de pages, nous aurions aimé en avoir 3 ou 4 fois plus. Mais qui sait ? Peut-être que nous nous relancerons dans un projet plus complet. Profitons déjà de celle-ci !
D. L. : Parmi les difficultés, je dirai faire des textes courts et compréhensibles (seuls nos lecteurs pourront me dire si j’ai réussi). Ce n’était pas non plus facile de trouver des femmes… elles étaient bien sûr tout autant actrices de l’histoire que les hommes, mais seuls ces derniers apparaissent dans les fonds d’archives. Trop d’historiens sont d’ailleurs coupables de nous livrer une histoire tronquée, en oubliant que les sources ont presque intégralement été produites par des hommes blancs et aisés. Notre plus grande fierté est de faire connaître Jäca, Rachel, Marie, Solitude, Carmeline, Adouba, Rosalie ou encore Coopou.

Propos recueillis par P-O Jay