L’histoire de Pierre Frontin est digne d’un roman historique tragique du XIXe siècle. Né libre à Basse Terre en Guadeloupe, il devient capitaine et prend part aux évènements révolutionnaires dans son île natale. Il s’installe plus tard en Guyane, devient producteur de sucre, et est tué par un esclave de son habitation en 1828. L’association Aïmara a travaillé sur les vestiges de sa sucrerie dans la commune de Montsinery.

En 2015, suite aux indications de M. Théodore Dauphin, une étude et un relevé de vestiges ont été réalisés sur la commune de Montsinéry-Tonnegrande. L’établissement identifié est celui de l’habitation La Charlotte, localisée sur une carte topographique de l’île de Cayenne de 1860 (cf p.78)
Le dépouillement des archives réalisé par Jessica Pierre-Louis et Kristen Sarge, nous a permis de retracer une partie du parcours du premier propriétaire, Pierre Frontin, un « métis libre de naissance ». C’est la première fois, en Guyane, qu’une habitation esclavagiste dirigée par un libre de couleur est l’objet d’une étude archéologique.
En 1804, l’acte de mariage de Pierre Frontin indique qu’il est « métif libre de naissance, garçon, fils de Elizabeth, mulâtresse libre, et d’un père inconnu, né au Port-de-la-Liberté, ci-devant La Pointe-à-Pitre, île et colonie française de la Guadeloupe, âgé de quarante-un an, actuellement marchand à Cayenne, y demeurant depuis plusieurs années rue d’Enfer ».
Il semblerait que Pierre ne porte le nom de Frontin qu’à partir de 1793, grâce à un arrêté permettant alors aux libres de couleur de se choisir un nom de famille. Comme d’autres libres de couleur aux Antilles, il a embrassé une carrière militaire. En juin 1796, Pierre Frontin réside à Basse Terre où il est « capitaine de la compagnie des chasseurs ». Il est ensuite Capitaine des grenadiers du 1er bataillon. Il prend activement part aux événements révolutionnaires : « Le 3 octobre 1799, sous la pression d’une foule formée de toutes les classes, une insurrection éclate à Pointe-à-Pitre. Elle est dirigée par les officiers Dandieu et Frontin. »« Le métis Frontin se serait mutiné, car l’agent [Desfourneaux] refusait de le promouvoir au grade supérieur. » Cet événement provoque le renvoi de l’agent Desfourneaux, et permet à « … l’élite et à l’armée de couleur de prendre conscience de leur force politique. D’ailleurs, les notables et officiers métissés bénéficient de promotions à la suite du pronunciamiento. Pierre Frontin devient chef de bataillon et Corneille fils, membre de l’administration départementale. » Pierre Frontin est enfin nommé Chef de bataillon, commandant de la place du Port de la Liberté. Cette promotion à un grade supérieur est éminemment politique « Le citoyen Frontin est métis, et l’encouragement que lui donnera l’approbation de son brevet, ne pourra que produire le meilleur effet sur les citoyens de couleur, & les porter à imiter l’excellente conduite de cet officier. » Néanmoins, le général Lacrosse voit en Frontin un homme dangereux ; en 1801, il le fait arrêter et déporter parmi d’autres officiers vers la France.
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