Amérique centrale et Amérique du Sud – La vie des colibris jacobins femelles (Florisuga mellivora) n’a rien d’un long fleuve tranquille ! À charge pour elles de tisser le nid, de chercher de la nourriture, d’élever et de nourrir les oisillons. Et tout cela sous la menace des mâles qui n’ont de cesse de les pourchasser, de les attaquer à coups de bec, de les bousculer. Mais pour échapper à ce comportement agressif, certaines ont trouvé la parade : elles se « déguisent » en mâles et adoptent leurs couleurs !
dimorphisme sexuel
C’est ce que révèle une étude américano-panaméenne publiée récemment dans la revue Current Biology. Le colibri jacobin, qui vit dans les basses terres tropicales humides allant du Mexique au Brésil, présente comme nombre d’oiseaux un dimorphisme sexuel. Le mâle arbore une tête bleue, un dos vert iridescent, un ventre et une queue blancs. La femelle, plus terne, possède généralement un plumage vert-gris. Mais pas toujours. Entre 2015 et 2019, Jay Falk de l’Université de Washington et ses collègues ont capturé 436 colibris jacobins dans la région de Gamboa, au Panama. Dans ce lot, 30 % des femelles avaient le même plumage chatoyant que les mâles. Plus surprenant, c’est aussi le cas de tous les juvéniles, quel que soit leur sexe. Mais comme l’ont constaté les scientifiques, environ 20 % des femelles ont gardé ce plumage masculin à l’âge adulte. Pour eux, l’avantage sélectif conféré par ce « déguisement » n’est pas d’ordre sexuel comme on l’a longtemps pensé et ne vise pas à attirer davantage de partenaires.
avantage sélectif
Mis en présence de femelles au plumage classique et d’autres arborant leurs propres couleurs, les mâles gardent en effet une préférence pour les premières. Jay Falk et ses collègues y voient plutôt un lien avec la nourriture. Pour tester leur hypothèse, ils ont équipé 154 colibris des deux sexes de capteurs électroniques et ont suivi leurs comportements durant 278 jours face à 28 mangeoires remplies de nectar. Résultat : moins attaquées que les autres par les colibris mâles, les femelles au plumage chatoyant y venaient bien plus souvent et sur de plus longues durées que les femelles classiques. Un avantage sélectif certain pour cette espèce au métabolisme rapide. Mais qui n’est pas sans conséquence pour les femelles concernées : moins attirantes pour les prétendants, elles sont aussi beaucoup plus voyantes et donc plus vulnérables face aux prédateurs. (J. J. Falk et al., 31, 1-7, 2021, Current Biology)