À l’occasion de la visite officielle du Premier ministre chinois Li Keqiang à Brasília (18-19 mai), le Brésil et la Chine ont signé 35 accords et contrats économiques pour une valeur de 53 milliards de dollars. Le projet de chemin de fer transcontinental reliant l’Atlantique au Pacifique à travers l’Amazonie a retenu l’attention du correspondant de l’agence IPS (20/05). Extraits.

« Historiquement les chemins de fer ont conduit à une réduction importante des coûts du transport terrestre en remplacement des animaux de trait et des charrettes. Les coûts ont été divisés par six, voire plus dans certains cas, et aujourd’hui le train est encore perçu dans l’imaginaire collectif comme la solution car les gens n’ont aucune idée des coûts », déclare Newton Rabello, professeur à l’Université fédérale de Rio de Janeiro et ingénieur des transports urbains et ferroviaires, correspondant d’IPS. Et le train continue de séduire les plus hautes instances politiques. C’est ainsi qu’un chemin de fer transcontinental, conçu pour favoriser les exportations de soja et de minerai de fer vers l’Asie – principalement la Chine – va s’étirer sur plus de 5000 km entre le port d’Açú, situé à 300 km au nord de Rio de Janeiro, et un port de la côte péruvienne. Selon le mémorandum d’accord signé entre le Brésil, la Chine et le Pérou, le choix du site portuaire sera arrêté une fois les études de faisabilité effectuées. Mais, selon Newton Rabello,  « c’est une pure folie. [. . .] La barrière de la cordillère des Andes à 4000 mètres et les coûts élevés rendent par avance le projet non viable. Toutes les lignes établies dans les montagnes andines ont été fermées car la topographie accidentée ne convient pas à ce moyen de transport et le train à grande vitesse entre Rio de Janeiro et São Paulo a échoué en raison des coûts absurdes* ». Les projets ferroviaires visant à connecter les deux océans seraient irréalisables quels qu’ils soient, y compris ceux situés dans les zones à plus forte densité économique comme le cône sud américain, où il suffit d’ajouter de nouveaux tronçons aux lignes déjà existantes.
Actuellement, plusieurs lignes de chemins de fer sont en cours de construction au Brésil, elles convergent vers le centre-ouest du pays, où la production agricole, en particulier le soja, est en hausse. Là où il y avait une seule ligne vétuste pour l’exportation, le gouvernement propose maintenant trois ou quatre alternatives, voire plus, comme le corridor ferroviaire interocéanique, qui est un projet « insensé », conclut Rabello.

Un matelas financier de 4000 milliards de dollars
Pékin va continuer à financer la compagnie publique Petrobras avec un crédit de sept milliards de dollars afin de garantir son approvisionnement en pétrole. Le groupe minier Vale va recevoir 4 milliards de dollars pour financer l’achat de vraquiers destinés au transport de quelque 400 000 tonnes de minerai de fer. Pétrole et minerai de fer représentent 80% des exportations brésiliennes vers la Chine. Les deux pays ont aussi concrétisé la vente de 22 avions du constructeur brésilien Embraer à une compagnie chinoise pour un montant estimé à 1,1 milliard de dollars. Un autre accord ouvre le marché chinois aux exportations de bétail sur pied en provenance du Brésil. Routes, autoroutes, ports, la Chine va participer à de nombreux projets d’infrastructures reportés ou en suspens. L’Empire du milieu mise sur la construction d’infrastructures de transport pour réduire les coûts des exportations brésiliennes, et par la même occasion fournir des marchés aux compagnies chinoises dont la demande intérieure est en baisse. Avec des réserves de change avoisinant quatre mille milliards de dollars, la Chine est en mesure de financer le développement de tous les pays, quels qu’il soient !

* Selon le vice-président brésilien Michel Temer, le projet du « trem-bala » entre Rio et São Paulo sera relancé une fois la dette publique consolidée. En 2013, le gouvernement brésilien avait estimé son coût à 34 milliards de reais, soit 10 milliard d’euros, alors que les investisseurs privés l’évaluaient à 50 milliards, soit 14 milliards d’euros (Valor.com, 24/05).

Titre original : « Una quimera en medio de amplia cooperación de China y Brasil » (IPS, 20/05/2015, Mário Osava)
Lire l’article dans son intégralité : http://www.ipsnoticias.net/2015/05/una-quimera-en-medio-de-amplia-cooperacion-de-china-y-brasil/
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Photos : Gare ferroviaire abandonnée sur les rives du rio Madeira, Porto Vehlo, Rondônia, Brésil. Clichés P-O Jay / Atelier Aymara

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