Une récente étude de l’Université fédérale de Rondônia (UFRO) portant sur l’immigration haïtienne au Brésil révèle que la majorité des Haïtiens se rendent au Brésil en quête d’un emploi. Dans leurs conclusions, les chercheurs déconstruisent notamment l’image du tremblement de terre comme principale cause de la vague actuelle de migration vers le Brésil. Extraits de l’article du site Adital* (13/11/14).

Raisons de l’émigration
En réalité, les causes structurelles conduisant les Haïtiens et Haïtiennes à quitter leur pays pour le Brésil existaient bien avant le séisme dévastateur de décembre 2010, et devraient perdurer les prochaines années. « Dans le cas des Haïtiens, l’émigration n’est pas récente et s’explique, entre autres raisons, par l’instabilité économique et politique dans ce pays», déclare Marília Pimentel co-auteure de l’étude. Actuellement, plus de 35 000 Haïtiens vivent sur le sol brésilien. «Les Haïtiens veulent aider leur famille, améliorer le quotidien de ceux qui sont restés au pays ou installés à l’étranger. Il est difficile de parler de vie rêvée au Brésil », précise-t-elle.

Un parcours clandestin périlleux
Avant même de partir, les candidats au voyage sont confrontés à de nombreuses difficultés : nombre d’entre eux s’endettent ou vendent leurs biens. « Les témoignages font état de privations et difficultés, mais aussi de moments d’horreur au cours du trajet, en particulier en Équateur et au Pérou : vols, extorsions, viols, certains perdant même la vie », poursuit-elle. L’étude préconise une révision de la politique d’immigration pour les ressortissants haïtiens, afin de limiter les dommages causés par cette route clandestine. « Enregistrer les Haïtiens aux régions frontalières comme à Tabatinga (Amazonas) et Brasiléia (Acre), est une pratique qui a contribué indirectement à renforcer la traite humaine », expliquent les chercheurs.
Une fois arrivé dans l’Acre, l’immigrant est accueilli, hébergé et guidé pour régulariser sa situation. Au refuge, il a trois repas par jour. Il est aussi assisté dans le cadre de son recrutement par les sociétés intéressées. « Actuellement, par exemple, deux grandes entreprises sont sur place à la recherche de main d’œuvre », explique-Rucelino Barbosa, coordonnateur du Département de la justice et des droits humains (Sejudh) de l’Acre. « Nous nous préoccupons aussi de leur santé en les dirigeant vers les centres de santé, les hôpitaux… »

Le gouvernement fédéral devrait être plus présent
Rucelino Barbosa regrette toutefois le manque d’engagement de Brasília : « L’Etat fédéré devrait être un partenaire du gouvernement fédéral en matière d’accueil des immigrants, mais c’est l’inverse qui se produit. »
Selon les données actuelles, au moins 27 000 personnes [Haïtiens, Dominicains, Africains…) ont transité par l’Acre au cours des dernières années. « Il ne s’agit pas de fermer la frontière, mais de trouver une relation plus étroite entre les instances exécutives locale et fédérale. En plus de faciliter le déblocage des ressources existantes, il faudrait créer une loi spécifique portant sur les dotations destinées aux populations migrantes, parce qu’actuellement l’argent est pris sur d’autres postes de dépenses», explique Barbosa.

Pénurie de main d’œuvre dans le sud
Le besoin actuel de main-d’œuvre dans le Sud du Brésil, où se rendent la plupart des immigrants en provenance de l’Acre, semble être lié à la baisse des flux migratoires nord-sud dans le pays. L’accélération du développement économique dans les régions Nord et Nordeste a débouché sur une pénurie de personnel dans des secteurs de la construction et de l’agro-transformation. « On a ici une migration classique, essentiellement motivée par des raisons économiques. Elle a toujours existé, et ne s’arrêtera jamais », explique le père Paolo Parise, coordinateur du Centre d’études sur les migrations (CSEM) à São Paulo. De son côté, Eléia Scariot de la coordination de la Pastorale des migrants de Fortaleza attribue l’augmentation du flux migratoire à la bonne santé économique et politique du Brésil : « Nous avons une image de l’immigrant venu prendre la place des locaux, mais nous savons que l’immigrant est souvent celui qui occupe les tâches les plus salissantes, pénibles et dangereuses. Il en est ainsi aux États-Unis, en Europe et ce n’est pas différent aux Brésil. »

*Adital est une agence d’information alternative à l’écoute de la société civile.

Source : Adital (Agence d’Information Frei Tito pour l’Amérique Latine)
Photo : P-O Jay – novembre 2011 – Région d’Aquin.

Titre original : A imigração haitiana ao Brasil : do sonho brasileiro à Anpil mizè (Paulo Emanuel Lopes)

http://site.adital.com.br/site/noticia.php?lang=PT&cod=83241