Dans un contexte politique instable, la société civile haïtienne s’inquiète des contours de la future loi sur les activités minières, et du rôle joué par la Banque mondiale. Extraits de l’article du site IPS (13/01/15).

Un collectif de la société civile haïtienne rassemblant quelque 50 000 citoyens conteste le projet de loi minier du gouvernement élaboré en partenariat avec la Banque mondiale. Dans une plainte adressée début janvier au siège de la banque à Washington, le « Kolektif Jistis Min » exprime sa vive préoccupation autour d’une réforme préparée en l’absence de consultation publique.
Selon le collectif, le nouveau texte va conduire à une expansion massive du secteur minier en Haïti et faciliter l’arrivée des sociétés étrangères qui convoitent déjà les gisements aurifères, et autres matières premières. « Les leaders communautaires encouragent la population à réfléchir au « développement » de manière critique, et à ne pas prendre pour argent comptant des projets venant de l’extérieur », a déclaré à IPS Ellie Happel, avocat à Port-au-Prince.
En Haïti, le processus d’attribution du permis minier est juridiquement contraignant. Mais, selon le projet officieux divulgué en juillet dernier, le contrôle parlementaire serait court-circuité, et il serait mis un terme à l’obligation de rendre public les accords passés avec les sociétés. Le collectif craint que cette révision doublée de la difficulté gouvernementale à assurer le contrôle ne débouche sur des problèmes sociaux et environnementaux particulièrement préjudiciables à une économie avant tout rurale. De plus, il n’est pas certain que ces activités lucratives profiteront aux couches les plus pauvres de la population haïtienne.
« La participation de la Banque mondiale à l’élaboration du projet donne de la crédibilité à la loi, et devrait favoriser l’investissement dans le secteur minier haïtien », précise le document. Cependant, « l’accroissement des investissements se traduira par la contamination des cours d’eau, une incidence négative sur l’agriculture, et le déplacement forcé des communautés. » Et le collectif de déplorer l’exclusion des citoyens haïtiens, contrairement au secteur privé régulièrement associé à l’élaboration de la nouvelle loi.

Opacité
«La loi a été rédigée dans la plus grande opacité par un petit groupe d’experts de la Banque mondiale et des représentants du gouvernement haïtien », a affirmé à IPS Sarah Singh, juriste proche du dossier. « Ils ont tenu deux réunions, sur invitation seulement et en français, avec un public majoritairement constitué d’investisseurs privés et de quelques grosses ONG. Et quand on interroge la banque sur l’absence de consultation, elle renvoie à la responsabilité du gouvernement haïtien. » Cependant, dans un courrier de novembre dernier, la banque précise que son rôle se limite à partager les bonnes pratiques internationales.

Une réforme scandaleuse
En Haïti, l’activité minière est devenue un sujet sensible, même si les investisseurs en sont encore au stade de la prospection. En 2012, lorsque le gouvernement a délivré son premier permis depuis des années, le Parlement a rechigné en émettant un moratoire non contraignant sur toute activité extractive jusqu’à ce que l’ensemble du secteur soit évalué. Entre temps, la société civile haïtienne s’est intéressée aux problèmes rencontrés par ses voisins de la République dominicaine, notamment en matière de pollution de l’eau. Elle s’est également tournée vers d’autres pays du Sud engagés dans l’extraction à grande échelle. Et le collectif de tirer ses conclusions : « L’exploitation minière n’a jamais apporté le moindre développement en Haïti. Au contraire, l’histoire de l’orpaillage est synonyme de sang et de souffrances depuis le début. Quand on examine les conséquences éventuelles, ce changement de la loi nous apparaît comme un scandale qui pourrait favoriser la poursuite du pillage à l’insu de la population haïtienne. »

* Inter Press Service ou IPS est une agence de presse internationale qui, selon ses vues, « focalise sa couverture médiatique sur les événements et processus mondiaux touchant le développement économique, social et politique des peuples et des nations ». (Wikipédia)
Titre original : Haitians Worry World Bank-Assisted Mining Law Could Result in “Looting”

http://www.ipsnews.net/2015/01/haitians-worry-world-bank-assisted-mining-law-could-result-in-looting/

Photo ci-dessus : le palais présidentiel à Port-au-Prince, en novembre 2011. Photo P-O Jay

Ci-dessous : inondation classique dans un quartier de Port-au-Prince. Nov 2011. Photo P-O Jay

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