Le 19 septembre dernier, la Commission d’amnistie a accordé l’amnistie à un groupe d’Amérindiens de l’ethnie Suruí, victimes de la dictature militaire au temps de la Guérilla de l’Araguaia. Sur 16 requêtes présentées, 14 ont été validées. À chaque fois, l’armée a eu recours aux Amérindiens dans ses missions de reconnaissance du territoire et ses opérations de répression contre la guérilla.

Reconnaissant la violation des droits des autochtones, le président de la Commission d’amnistie, Paulo Abrão, a présenté ses excuses au nom de l’État brésilien. « Un groupe d’une communauté autochtone a aussi été victime de la répression qui s’est exercée sur les populations vivant dans la région de l’Araguaia pendant la dictature militaire. [Cette violence]a atteint non seulement les paysans, les guérilleros mais aussi les communautés autochtones qui étaient là », a-t-il déclaré. Selon Abrão, l’initiative ouvre une nouvelle perspective : « Ce qui n’était qu’une simple présomption est devenu une certitude et l’histoire doit retenir que les Amérindiens ont aussi été touchés par la répression», a-t-il complété.

Regiao_Guerrilha_do_AraguaiaLes Amérindiens amnistiés habitent le village de Soror situé sur le Territoire Indigène Aikewara, dans l’État du Pará. Les premières relations avec l’homme blanc se sont établies dans les années 50 et se sont intensifiées dans les années 1960, avec la Guérilla de l’Araguaia,. «Quand le conflit a éclaté, mon peuple était en contact depuis peu de temps», a indiqué Winurru Suruí, petit-fils d’un des amnistiés, à Agência Brasil. « Nos ancêtres furent séquestrés au sein du village, ne pouvant ni sortir ni chasser, leur stock d’alimentation fut détruit. Dans le village, l’armée installa une base qu’elle occupa de 1971 à 1973. Des adultes furent réquisitionnés pour les aider [dans leurs opérations]. Un seul parmi eux comprenait le portugais, il servit de traducteur », a-t-il précisé.

Le mouvement révolutionnaire de l’Araguaia commença à la fin des années 60 dans le cadre de la lutte contre la dictature. Organisé par le PCdoB (Parti communiste du Brésil), il fut le premier groupe à affronter l’armée sous le régime militaire. Entre 1972 et 1975 plus de 3 000 soldats furent mobilisés dans un conflit qui fit plus de 60 victimes, dont beaucoup ne furent jamais retrouvées. Pour rendre sa décision, la Commission d’amnistie a analysé des documents et des témoignages du Ministère public fédéral et recueilli ses propres témoignages.

Selon Maria Augusta Assirati, présidente de la Funai*, la reconnaissance de l’exploitation des Suruís par l’armée est un fait historique. « [L'État] reconnaît le processus de victimisation d’une communauté autochtone, d’un peuple autochtone sur la base d’actes commis par l’État brésilien pendant la dictature militaire », a-t-elle déclaré. Craignant d’éventuelles représailles de l’armée, les Suruís ont attendu 2010 pour lancer leur requête. Chacun d’entre eux recevra l’équivalent de 130 salaires minimums, soit environ 30 000 euros. Madame Assirati a ajouté : « Nous prendrons la pleine mesure de cette décision si nous l’envisageons comme un acte de réparation du passé, mais aussi comme un tournant dans l’histoire de la dette du gouvernement brésilien envers les peuples autochtones. »

Un peuple de piroguiers exilé dans les terres
L’intervention militaire dans la région de l’Araguaia eut aussi pour conséquence de chasser les Amérindiens de leur territoire. La communauté a déposé un recours collectif en ce sens. Selon Winurru, les Amérindiens occupent aujourd’hui un territoire de seulement 260 km2. « Nous étions installés sur les rives du fleuve Araguaia et maintenant le cours d’eau le plus proche se situe à 70 km », se lamente Winurru Suruí. Le choc culturel fut violent : loin du fleuve, les Amérindiens arrêtèrent de pratiquer la poterie et bien d’autres activités. « Nous étions un peuple de piroguiers et aujourd’hui nous connaissons la pirogue seulement par la télévision. »

Selon l’anthropologue Iara Ferraz, spécialiste des Suruís, au delà de l’indemnisation individuelle, les Amérindiens attendent une réparation collective. Depuis 40 ans, ils veulent que l’on reconnaisse les persécutions qu’ils ont subies, leurs souffrances et la perte de leur territoire.
La présidente de la Funai a promis de remettre très rapidement au ministre de la Justice brésilien la demande d’extension de 110 km2 du territoire des Suruís. « Nous allons obtenir une réparation complète de l’État qui reconnaît ses torts et cherche à préserver votre avenir en tant que peuple », a-t-elle assuré aux Amérindiens.

* Fundação Nacional do Índio : Fondation gouvernementale chargée des questions liées aux peuples autochtones.

Source : Comissão concede anistia a 14 indígenas afetados na Guerrilha do Araguaia (Agência Brasil, 19/09/2014)
En savoir plus sur la Guérilla de l’Araguaia : http://pt.wikipedia.org/wiki/Guerrilha_do_Araguaia http://fr.wikipedia.org/wiki/Gu%C3%A9rilla_de_l%27Araguaia

Source de l’affiche : http://americasouthandnorth.wordpress.com/2012/04/12/on-this-date-in-latin-america-april-12-1972-the-araguaia-guerrilla-war-in-brazil/