Selon Wonnie Sabajo, représentante de l’association des Folles du Suriname [1], l’ex-putschiste et actuel président serait le principal responsable des meurtres de douze Amérindiens en 1990.

Dimanche 8 décembre en soirée, à Amsterdam, à l’occasion de la cérémonie marquant le 31e anniversaire des Meurtres de décembre (Cf. La loi d’amnistie, ou le procès enrayé), Wonnie Sabajo a sollicité l’aide juridique du Comité de commémoration des victimes du Suriname [2] dans le but de traduire en justice Bouterse et les chefs du groupe armé Tukayana Amazonas, Thomas Sabajo et Henk Matoewi pour le meurtre de douze Amérindiens près de Apoera dans le nord-ouest du pays en 1990. Romeo Hoost, président du comité et avocat des droits de l’homme, s’est engagé à lui prêter main forte.

Wonnie Sabajo, dont le frère Piko figure parmi les victimes, est formelle : les douze hommes ont été « torturés et tués » sous le régime militaire de Desi Bouterse. « Cette affaire doit faire l’objet d’une enquête et les principaux responsables doivent être traduits en justice », a-t-elle déclaré d’un ton ferme à Eric Mahabier, journaliste au quotidien surinamais De Ware Tijd.
Après les évènements, les mères des victimes installèrent un bivouac sous le Mamabon (ébène verte), l’arbre symbole de la protestation. « Pendant des semaines, nous avons voulu savoir où se trouvaient nos fils et ce qui leur était arrivé. Jusqu’à ce jour, ils restent les grands oubliés des Surinamais et des gouvernements qui se sont succédés depuis. » Pourtant, une pétition avait été remise au président de l’Assemblée nationale de l’époque Jagernath Lachmon, mais elle était restée lettre morte. « Comme s’ils n’étaient pas de vrais hommes, et n’avaient pas le droit à un procès équitable !»

Les semaines de mobilisation sous le Mamabon furent difficiles : « Les menaces des militaires à mon encontre étaient mon pain quotidien. » Jusqu’à ce que Wonnie organise sa fuite aux Pays-Bas avec sa famille.

« Financé et équipé par l’armée nationale du Suriname », le groupe des Tukayana Amazonas était censé protéger les autochtones et leurs villages des insurgés du Jungle Commando au cours de la guerre civile. «En réalité, ils furent rapidement chargés d’assurer la protection des cargaisons de cocaïne provenant de la région de Tibiti dans l’ouest du Suriname. [...] Mon frère a réalisé que les Amérindiens étaient manipulés par Bouterse et sa clique de trafiquants. » Piko Sabajo et onze de ses compagnons décidèrent alors de prendre leurs distances avec le groupe armé.

Torturés…, puis jetés dans la rivière
En représailles, « huit d’entre eux furent abattus à l’arme lourde par l’armée et les Tukayana, puis jetés dans une fosse commune » dans le village amérindien de Matta. Piko et trois de ses compagnons s’enfuirent alors de l’autre côté du fleuve Corentyne. Mais l’armée surinamaise s’aventura jusque sur le sol guyanien, où les fugitifs furent arrêtés puis transférés en hélicoptère au Fort Zeelandia à Paramaribo. Deux semaines plus tard, ils furent ramenés à Apoera pour une soit-disant reconstitution. « Dès lors, nous ne les avons plus jamais revus. » Selon Wonnie Sabajo, les quatre hommes ont subi des actes de torture atroces avant d’être jetés dans la rivière Nickerie.

[1] Dwaze Moeders Suriname, association créée en 1990 et inspirée des Folles de la place de Mai en Argentine

[2] Comité Herdenking Slachtoffers Suriname

Source : De Ware Tijd, 10/12/13, Bouterse riskeert tweede aanklacht tegen mensenrechtenschending

Photo : Desi Bouterse par le magazine Parbode.