A retrouver dans le n°13 de Boukan, disponible à l'achat dans notre boutique

A retrouver dans le n°13 de Boukan, disponible à l’achat dans notre boutique

À Mayotte, 101e département français et île de l’archipel des Comores, le système de santé ne parvient pas à répondre aux besoins de soins d’une population dont 77 % vit sous le seuil de pauvreté.
Tout, ou presque, repose sur le Centre Hospitalier de Mayotte, unique instance publique de santé du territoire. Structure de référence dans le canal du Mozambique, le CHM assure tant bien que mal les urgences et le suivi médical malgré un important déficit de soignants, en particulier de médecins, infirmiers et sages-femmes, venus pour la plupart de métropole. Les autres soignants et personnels hospitaliers, Mahorais en grande majorité, tiennent un système en constante tension et assurent les traductions en shimaoré ou shibushi en plus de leurs compétences de soins.
En 2019, 45 % des plus de 15 ans déclaraient avoir dû renoncer à des soins. La précarité est responsable de la majorité des problématiques de santé du territoire, avec un accès inconstant à l’eau potable, une alimentation carencée et déséquilibrée, des maladies infectieuses ou de cancers avancés soignés tardivement… L’accès au système de santé est gratuit dès lors que les personnes sont affiliées à la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte (CSSM), soit seulement 66 % des habitants. Contrairement aux idées reçues, les étrangers présents sur le territoire ont moins accès à la santé qu’en métropole.
Sous l’injonction du régime dérogatoire applicable à Mayotte mis en place pour « limiter l’attractivité sociale et administrative », des mots de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, ni la Couverture Maladie universelle ni l’Aide Médicale d’État ne sont applicables. Quant aux plus aisés, ils vont faire leurs examens médicaux ou d’interventions chirurgicales sur l’île de la Réunion, voire en métropole. Le privé et la médecine libérale sont peu développés, Mayotte ne comptait qu’une vingtaine de généralistes installés sur toute l’île avant le Covid.
Durant Wuambushu, l’hôpital de Mayotte est devenu le lieu de toutes les tensions. En réaction à la fermeture du port d’Anjouan par l’Union des Comores, les collectifs des citoyens de Mayotte ont décidé de bloquer certains dispensaires, consultations et retrait de médicaments, aux « étrangers ». De nombreux patients se sont retrouvés sans possibilité de récupérer des traitements pourtant vitaux. Une situation exceptionnelle, sans aucune réaction des autorités pour lever les blocages, révélatrice des tensions qui règnent sur l’île alors que ses habitants se sentent oubliés par Paris.
Cet extrait de ce documentaire photographique explore les enjeux de santé des plus précaires, Mahorais, Comoriens ou d’Afrique de l’Est, sur une île française où la législation nationale n’a qu’une existence partielle. Comme une France à deux vitesses, ici l’accès aux soins pour tous n’est pas une réalité.

Plus de photos de Bastien Doudaine sur 97PX