Matoury 2048 : Je sors de mon appartement, au 6e étage de mon collectif bioclimatique et prends l’ascenseur pour me rendre à mon arrêt de bus habituel. À l’ombre des manguiers, je regarde passer les vélos électriques des cadres sportifs qui se rendent au bureau. Mon bus électrique arrive. Nouvelle technologie robuste et zéro émission qui vient d’être déployée sur l’île de Cayenne en remplacement des vieux bus hybrides et de leurs pannes récurrentes. Direction l’aérogare. Aujourd’hui je vais accueillir un ami français qui vient en Guyane pour satisfaire son rêve de randonnée équatoriale. Le bus me laisse devant le hall des arrivées et j’attends quelques minutes la sortie de mon ami. J’en profite pour regarder décoller un dirigeable de fret qui part pour le Sud. Ce coussin géant peut charger jusqu’à 60 tonnes et les déplacer sur près d’un millier de kilomètres avec une facilité déconcertante. à l’arrivée, pas besoin de piste, une simple super Drop Zone suffit. Une excellente alternative aux coûteuses pistes que nos politiques, jusqu’à un passé récent, soutenaient mordicus malgré le gouffre des coûts d’entretien. Après demain, nous prendrons nous aussi un de ces dirigeables, en version mixte à passager.
Mon collègue est arrivé. La traversée a été sans encombre. à cette saison, la météo permet le vol en avion automatique. Mais ce n’est pas toujours le cas. Entre le pot au noir et l’absence de pilote, il faut choisir ! Personnellement, j’ai depuis longtemps quasiment arrêté les longs trajets en avion, rendus hors de prix par les taxes carbone.
Le lendemain, nous nous rendons à Cayenne pour une journée visite et emplettes. En chemin, nous traversons le bassin de la Crique fouillée et croisons un hydrobus desservant l’anneau urbain flottant de la Petite Couronne cayennaise. Le bus nous laisse à la gare intermodale, à l’entrée de la ville. Un tram-train magnétique est au départ pour Kourou. Les couts d’implantation de cette technique ont récemment diminué et le prolongement prochain de la ligne vers Saint-Laurent du Maroni est aujourd’hui à l’étude.
Nous changeons de mode de transport et montons dans le tram automatique qui arrive à l’arrêt en même temps que nous. Depuis le développement des transports en commun moderne, bon nombre de Guyanais des villes ont abandonné leur voiture personnelle. Le coût prohibitif des carburants n’y est pas étranger, tout comme le développement des électromobiles en utilisation partagée. Ailleurs en campagne, la voiture règne encore en maître, mais elle est électrique. Et en forêt, le moteur à explosion est toujours de mise, grâce au développement d’une filière de bio éthanol en sites isolés.
En ville, la qualité de l’air s’est bien améliorée depuis l’interdiction des moteurs thermiques. Notre tram nous laisse à l’angle des Boulevards Taubira et de l’Indépendance, tous les deux piétons depuis qu’ils ont été rebaptisés.
J’organise une visite du Cayenne tipik qui nous amène sur le front de mer. Après quelques pas à l’ombre des amandiers vénérables, nous nous installons en terrasse pour déguster un jus de cupuacu. Pendant que nous échangeons sur nos préparatifs, nous apercevons au loin deux cargos caboteurs qui se croisent au loin. Ils assurent les échanges commerciaux entre la Guyane et les grands hubs voisins de Belém et de Trinidad, en remplacement des gros transatlantiques qui ne font plus escale chez nous.
Pour la fin de notre périple, je propose à mon ami une descente du Maroni en électropirogue collective. Cela n’a pas le charme des embarcations d’antan, mais c’est beaucoup plus sûr, moins polluant et très pittoresque. Vivement demain et le commencement de notre aventure !

Texte de Christian Roudgé
Illustrations de Tyséka Castor (à droite) & David Tardy (à gauche)