A découvrir dans le N°12 de Boukan

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À La Réunion, la production emblématique de vanille bourbon n’a cessé de baisser depuis les années 2000. De près de 60 tonnes récoltées annuellement dans les années 1960, celle-ci s’établit désormais autour de 20 tonnes par an. En cause, une hausse du foncier, un travail délicat et difficile, une concurrence accrue des pays voisins, mais aussi les effets du changement climatique. Autant d’enjeux que les professionnels sont prêts à relever. Reportage.

Il y a cette odeur entêtante et rassurante, cette note ronde et sucrée qui ramène immédiatement à l’enfance et à des souvenirs joyeux. C’est bien le doux parfum de la vanille qui émane de l’atelier de séchage et d’étuvage de la famille Roulouf. La bâtisse de 3 mètres sur 3 qui servait d’accueil à l’origine a bien grandi et désormais c’est une vaste villa, dont les travaux ont été financés par l’Europe, qui accueille les dizaines de milliers de visiteurs annuels. C’est à Saint-André, dans le Nord-Est de La Réunion, que ces producteurs de vanille sont établis depuis plus de cent ans et quatre générations. Le grand-père et le père de Maurice Roulof, déjà, étaient plongés dans cette culture passion. Mais rien ne le prédisposait pour autant à prendre leur suite. Maurice Roulof travaillait dans une usine de plastiques quand son père a pris sa retraite, et pour garder l’exploitation dans la famille, il a décidé de se lancer. « Au début, je me suis dit “quelle galère” ! À l’usine, on avait des horaires ici, les week-ends, ça n’existait plus », se rappelle-t-il, assis devant une vaste ombrière où poussent des centaines de vanilliers. Ça fait désormais 37 ans que Maurice Roulof a repris l’exploitation qu’il gère désormais avec Florineige, sa femme, Matthieu, son fils et Amandine, sa belle-fille ainsi que deux salariés supplémentaires à des moments clés de la production. La production Roulof s’étale sur 2 hectares, une majorité en forêts, et deux ombrières, genre de serres qui permettent de protéger du soleil tout en le laissant filtrer. Car il faut des conditions très particulières pour permettre à la vanille, une orchidée sous forme de liane pouvant atteindre des dizaines de mètres, de pousser. « C’est une culture qui demande de la patience, précise Maurice Roulof, il faut attendre quatre ans pour voir une première fleur éclore. Puis il y a l’étape cruciale de la fécondation effectuée par les marieuses [des femmes qui pratiquent à la main et à l’aide d’une épine de cactus la fécondation de la fleur] qu’il ne faut pas louper, car la fleur ne reste ouverte qu’une seule matinée. Si l’opération a fonctionné, elle donnera un fruit… 9 mois plus tard ! La fameuse gousse de vanille verte. » Mais comme les autres producteurs de l’Est, Maurice Roulof doit faire face à des changements importants dans la quantité de vanille produite. « Avant on récoltait 3 à 4 kg par pied de vanille, là on est autour de 100 g », avance-t-il. En cause, la météo. « Avant, on avait des conditions plus régulières, maintenant il fait trop chaud et il pleut moins mais très fort, d’un coup. C’est comme si on avait très soif, qu’on nous donnait 100 litres d’eau d’un coup et plus rien », déplore l’agriculteur qui détaille l’importance des ombrières, investissement efficace mais trop coûteux pour être généralisé à toute la parcelle. « Maintenant, la plante est plus fragile. Aujourd’hui si on enlève les ombrières, en une journée elle meurt », déplore-t-il tout en concluant : « Il n’y a pas de remède, c’est le réchauffement climatique ».

La Réunion à la pointe de la recherche sur les vanilliers
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